Pour être informé en temps réel de nos publications :


Loading

L'auteur

Marc GOZLAN

Je suis médecin de formation, journaliste par vocation. J’ai débuté ma carrière de journaliste médico-scientifique en agence de presse…  Lire la suite.

Diabète de type 1  : comprendre son hétérogénéité pour mieux le prévenir et le traiter 

Îlots pancréatiques humains purifiés destinés à la transplantation. Immunohistochimie : cellules β en rouge, cellules α productrices de glucagon en vert. Chengyang Liu et Wei Wang, University of Pennsylvania Perelman School of Medicine, Philadelphia. Diabetes. May 2025 :74(5).

SOMMAIRE

3E PARTIE

(suite de la deuxième partie)

1ère partie

Impact de l’hétérogénéité dans la thérapie cellulaire du DT1

La greffe d’îlots pancréatiques, issus soit de donneurs décédés, soit produits à partir de cellules souches, constitue une alternative majeure pour remplacer les cellules bêta détruites chez les patients atteints de diabète de type 1 à un stade avancé, dit stade 3 ou évolué (parfois appelé « stade 4 »).

Classiquement, les îlots isolés sont implantés dans le foie, tandis que les patients reçoivent un traitement immunosuppresseur afin d’éviter le rejet des cellules greffées.

Cependant, la transplantation d’îlots pancréatiques est influencée par l’hétérogénéité tant du côté des donneurs que des receveurs. Malgré tout, l’hétérogénéité des donneurs présente un avantage : elle réside dans la large représentation des groupes sanguins et des types tissulaires, ce qui facilite la sélection d’îlots compatibles du point de vue du groupe sanguin ABO.

Les îlots dérivés de cellules souches présentent également une importante hétérogénéité. La proportion de cellules bêta dans chaque îlot et leur capacité à sécréter de l’insuline peuvent varier selon la lignée cellulaire utilisée et le protocole de différenciation appliqué pour générer ces cellules en laboratoire.

Dans un essai clinique portant sur 11 patients, sept ont reçu des îlots d’un seul donneur, tandis que quatre ont nécessité deux donneurs. Par ailleurs, un suivi à long terme a mis en évidence une variation importante des résultats en fonction de la masse fonctionnelle de cellules bêta greffées : un seuil au-dessus de 40 % garantit une indépendance durable à l’insuline, entre 20 % et 40 % ce seuil favorise une indépendance temporaire avec des besoins réduits en insuline lors de périodes de stress, tandis qu’en dessous de 20 %, une rechute avec reprise de l’insulinothérapie est observée.

Avec le temps, probablement en raison des mécanismes auto-immuns (attaque du système immunitaire contre les cellules bêta du patient) et allo-immuns (réaction contre les cellules greffées perçues comme étrangères), la masse fonctionnelle en cellules bêta décline, ce qui impose à certains patients de reprendre de l’insuline.

Parmi les patients ayant repris de l’insuline au bout de six ans, cette dégradation du greffon était souvent liée à des facteurs immunologiques comme une sensibilisation au HLA du donneur d’îlots ou l’apparition d’auto-anticorps dirigés contre les îlots.

Globalement, la plupart des patients réussissaient à rester dans la plage glycémique cible au moins 95 % du temps. L’étude souligne que disposer d’au moins 20 % de masse fonctionnelle réduit significativement les hypoglycémies et qu’atteindre une masse fonctionnelle de cellules bêta de 40 % permet un arrêt de l’insuline et un bon contrôle glycémique.

Cet objectif passe par la production de cellules plus homogènes que le produit hétérogène classique issu de donneurs décédés.

La mise au point de biomarqueurs permettant de détecter précocement le dysfonctionnement du greffon pourrait améliorer la prise en charge des patients avant que l’insulinothérapie ne soit nécessaire.

Une autre stratégie de thérapie cellulaire repose sur l’utilisation de cellules souches pluripotentes humaines. En effet, leur différenciation en îlots pancréatiques constitue une source renouvelable prometteuse pour remplacer les cellules bêta. Ces cellules souches sont reprogrammées pour devenir insulino-sécrétrices, offrant l’espoir d’une production plus contrôlée et reproductible.

Ces îlots dérivés de cellules souches sont obtenus en exposant des cellules à une succession de facteurs chimiques imitant le développement embryonnaire. Des protocoles standardisés de différenciation et d’expansion permettent de garantir une meilleure régularité quant à l’obtention de la masse fonctionnelle en cellules bêta par rapport aux îlots issus de donneurs décédés.

Cependant, des sources d’hétérogénéité persistent, notamment du fait des différentes lignées cellulaires utilisées, qui peuvent nécessiter des adaptations du fait de leurs particularités génétiques. Même après différenciation, les cellules produites varient tant en taille des amas que dans leur composition. La composition peut ainsi différer : la proportion de cellules bêta peut grandement varier entre lignées, comme celle des cellules exprimant une ou plusieurs autres hormones (glucagon, somatostatine). Il en est de même pour leur capacité fonctionnelle, attestée par la sécrétion d’insuline au repos et en réponse au glucose.

L’enjeu est donc de minimiser cette hétérogénéité en uniformisant le choix des lignées cellulaires et des protocoles. Par ailleurs, améliorer la maturation des cellules avant transplantation pourrait accélérer la mise en place d’un contrôle glycémique efficace, réduisant la nécessité de maturation post-greffe, qui peut durer plusieurs mois.

L’hétérogénéité des patients greffés demeure également une barrière, car les traitements actuels s’adressent à un nombre restreint de personnes, en raison de la nécessité d’une immunosuppression pour éviter le rejet des îlots greffés. L’objectif futur est de rendre cette thérapie accessible au plus grand nombre, notamment en protégeant les cellules transplantées par des techniques innovantes, en l’occurrence en les rendant invisibles au système immunitaire du patient greffé.

L’édition génétique, en créant des îlots « hypo-immuns », offre une solution prometteuse. Par exemple, en utilisant la technologie CRISPR/Cas9 pour supprimer l’expression de certaines molécules, il est possible de limiter la reconnaissance et l’attaque immunitaire des cellules transplantées, améliorant leur survie sans recours à l’immunosuppression. Pour la première fois, des îlots pancréatiques génétiquement modifiés ont été greffés à une personne vivant avec un diabète de type 1 (DT1), sans recourir à l’immunosuppression, avec une production d’insuline maintenue plusieurs semaines après la greffe. Il s’agit là d’une avancée majeure vers une thérapie cellulaire personnalisée et efficace.

La caractérisation des endotypes ouvre la voie à une médecine de précision

L’intérêt du concept d’endotype ne réside pas tant dans la multiplication des catégories que dans sa capacité à guider des thérapies adaptées aux mécanismes pathogéniques de chaque patient. Il s’agit d’optimiser le choix du traitement, mais aussi le moment de son administration afin de préserver les cellules bêta.

Bien qu’aucun essai n’ait encore stratifié les participants sur la base d’un endotype défini a priori, un signal intéressant est apparu récemment. Dans le TrialNet Oral Insulin Prevention Trial, publié en 2024 dans la revue Diabetes Care, l’administration d’insuline orale a réduit l’incidence du diabète clinique uniquement chez les sujets présentant de forts taux d’anticorps anti‑IA2, en particulier ceux porteurs du HLA‑DR4. Il s’agit de la première démonstration d’un bénéfice thérapeutique associé à un endotype donné.

On distingue actuellement deux grands groupes d’endotypes, essentiellement selon l’âge d’apparition des auto‑anticorps et/ou celui du diagnostic clinique. Cette stratification pourrait améliorer à la fois la prédiction de la maladie et l’efficacité des approches préventives ou thérapeutiques.

Dans le cas particulier des jeunes enfants (d’un âge inférieur à 7 ans), chez qui la progression du DT1 est rapide, cette approche n’implique pas nécessairement de traitements différents, mais elle ouvre la voie à une médecine plus personnalisée, avec un meilleur rapport bénéfice/risque et un nombre réduit de patients à traiter pour observer un effet significatif.

Le concept d’endotype suscite encore certaines réserves. Si des sous‑types ont bien été identifiés dans le DT1, il n’a pas encore été prouvé que ces catégories correspondent à de véritables endotypes pour lesquels des traitements spécifiques peuvent être élaborés.

Par ailleurs, les connaissances actuelles proviennent largement d’analyses post‑hoc, c’est-à-dire réalisées à partir de données déjà collectées une fois l’étude terminée. Ceci souligne la nécessité de confirmer ces résultats par des recherches prospectives et des essais cliniques.

Avant de pouvoir utiliser les endotypes en pratique clinique, il sera indispensable de développer et valider des biomarqueurs robustes permettant d’identifier les mécanismes pathogéniques en jeu et de prédire la réponse aux traitements. Pour cela, les chercheurs ont besoin d’approches globales capables d’identifier de nouveaux biomarqueurs, comme ceux liés aux protéines (protéomique) ou aux petites molécules du métabolisme (métabolomique).

Comme le rappellent Etienne Larger, Clémentine Halliez et Roberto Mallone (Université Paris‑Cité) dans la revue Médecine des Maladies Métaboliques en juin 2025, la reconnaissance et la caractérisation des endotypes ouvrent la voie à une médecine de précision : interventions adaptées au profil du patient et administrées au moment le plus opportun, préservation plus longue de la fonction bêta‑cellulaire, et amélioration globale de l’efficacité thérapeutique.

Cette approche est d’autant plus pertinente que des stratégies existent désormais pour prévenir une hyperglycémie, tant qu’une masse minimale de cellules bêta reste fonctionnelle.

Un axe de recherche essentiel consiste aussi à étudier les personnes qui, malgré un risque génétique élevé et la présence d’auto‑anticorps, ne développent jamais de diabète clinique. L’existence probable d’un gradient de risque — modulé par le nombre d’auto‑anticorps, le score génétique et le degré de dysfonctionnement bêta‑cellulaire — suggère qu’un certain seuil doit être franchi pour progresser à travers les stades de la maladie.

Comprendre pourquoi certains individus restent indemnes malgré des facteurs de risque comparables pourrait éclairer les mécanismes de résistance et offrir des pistes préventives inédites.

En résumé, la caractérisation des endotypes constitue une clé pour exploiter l’hétérogénéité du diabète de type 1, mieux prédire son évolution, et guider des stratégies thérapeutiques individualisées. L’objectif ultime est d’améliorer le pronostic des patients grâce à une médecine de précision, fondée sur une stratification robuste et des interventions adaptées.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur XFacebookLinkedInMastodonBluesky)

2ème partie

1ère partie

Pour en savoir plus...

Evans-Molina C, Dor Y, Lernmark Å, et al. The Heterogeneity of Type 1 Diabetes: Implications for Pathogenesis, Prevention, and Treatment-2024 Diabetes, Diabetes Care, and Diabetologia Expert Forum. Diabetes. 2025 Jul 30:dbi250011. doi: 10.2337/dbi25-0011

Stene LC. Perspectives on prevention of type 1 diabetes and heterogeneities. Diabetologia. 2025 Aug 6. doi: 10.1007/s00125-025-06512-5

Maria Aurora RW, Paolo P. What type 1 diabetes endotype is most suitable for anti-CD3 antibodies prevention trials? J Diabetes Complications. 2025 Jul 15;39(10):109132. doi: 10.1016/j.jdiacomp.2025.109132

Larger E, Halliez C, Mallone R. Endotypes du diabète de type 1. Med Mal Metab. 2025 Jun;19(4):308-313. doi : 10.1016/j.mmm.2025.04.013

Apostolopoulou M, Lambadiari V, Roden M, Dimitriadis GD. Insulin Resistance in Type 1 Diabetes: Pathophysiological, Clinical, and Therapeutic Relevance. Endocr Rev. 2025 May 9;46(3):317-348. doi: 10.1210/endrev/bnae032

Flatt AJ, Matus AM, Gallop RJ, et al. β-Cell Secretory Capacity Predicts Metabolic Outcomes Over 6 Years After Human Islet Transplantation. Diabetes. 2025 May 1;74(5):749-759. doi: 10.2337/db24-0729

Roma-Wilson MA, Buzzetti R, Zampetti S. Bridging Pubertal Changes and Endotype Based Therapy in Type 1 Diabetes. Diabetes Metab Res Rev. 2025 Mar;41(3):e70038. doi: 10.1002/dmrr.70038

Lernmark Å, Agardh D, Akolkar B, et al. Looking back at the TEDDY study: lessons and future directions. Nat Rev Endocrinol. 2025 Mar;21(3):154-165. doi: 10.1038/s41574-024-01045-0

Zhao LP, Papadopoulos GK, Skyler JS, et al. Oral Insulin Delay of Stage 3 Type 1 Diabetes Revisited in HLA DR4-DQ8 Participants in the TrialNet Oral Insulin Prevention Trial (TN07). Diabetes Care. 2024 Sep 1;47(9):1608-1616. doi: 10.2337/dc24-0573

Lledó-Delgado A, Preston-Hurlburt P, Currie S, et al. Teplizumab induces persistent changes in the antigen-specific repertoire in individuals at risk for type 1 diabetes. J Clin Invest. 2024 Aug 13;134(18):e177492. doi: 10.1172/JCI177492

Robertson CC, Elgamal RM, Henry-Kanarek BA, et al. Untangling the genetics of beta cell dysfunction and death in type 1 diabetes. Mol Metab. 2024 Aug;86:101973. doi: 10.1016/j.molmet.2024.101973

Aanstoot HJ, Varkevisser RDM, Mul D, et al; Dutch Type 1 Diabetes Biomarker group. Cohort profile: the ‘Biomarkers of heterogeneity in type 1 diabetes’ study-a national prospective cohort study of clinical and metabolic phenotyping of individuals with long-standing type 1 diabetes in the Netherlands. BMJ Open. 2024 Jun 19;14(6):e082453. doi: 10.1136/bmjopen-2023-082453

Weston CS, Boehm BO, Pozzilli P. Type 1 diabetes: A new vision of the disease based on endotypes. Diabetes Metab Res Rev. 2024 Feb;40(2):e3770. doi: 10.1002/dmrr.3770

Morgan NG. Insulitis in human type 1 diabetes: lessons from an enigmatic lesion. Eur J Endocrinol. 2024 Jan 17;190(1):R1–9. doi: 10.1093/ejendo/lvae002

Leslie RD, Ma RCW, Franks PW, et al. Understanding diabetes heterogeneity: key steps towards precision medicine in diabetes. Lancet Diabetes Endocrinol. 2023 Nov;11(11):848-860. doi: 10.1016/S2213-8587(23)00159-6

Redondo MJ, Morgan NG. Heterogeneity and endotypes in type 1 diabetes mellitus. Nat Rev Endocrinol. 2023 Sep;19(9):542-554. doi: 10.1038/s41574-023-00853-0

Suomi T, Starskaia I, Kalim UU, et al; INNODIA Consortium. Gene expression signature predicts rate of type 1 diabetes progression. EBioMedicine. 2023 Jun;92:104625. doi: 10.1016/j.ebiom.2023.104625

Redondo MJ, Richardson SJ, Perry D, et al. Milder loss of insulin-containing islets in individuals with type 1 diabetes and type 2 diabetes-associated TCF7L2 genetic variants. Diabetologia. 2023 Jan;66(1):127-131. doi: 10.1007/s00125-022-05818-y

Parviainen A, Härkönen T, Ilonen J, But A, Knip M; Finnish Pediatric Diabetes Register. Heterogeneity of Type 1 Diabetes at Diagnosis Supports Existence of Age-Related Endotypes. Diabetes Care. 2022 Apr 1;45(4):871-879. doi: 10.2337/dc21-1251

Deligne C, You S, Mallone R. Personalized Immunotherapies for Type 1 Diabetes: Who, What, When, and How? J Pers Med. 2022 Mar 29;12(4):542. doi: 10.3390/jpm12040542

Battaglia M, Ahmed S, Anderson MS, et al. Introducing the Endotype Concept to Address the Challenge of Disease Heterogeneity in Type 1 Diabetes. Diabetes Care. 2020 Jan;43(1):5-12. doi: 10.2337/dc19-0880

Redondo MJ, Geyer S, Steck AK, et al, Type 1 Diabetes TrialNet Study Group. TCF7L2 Genetic Variants Contribute to Phenotypic Heterogeneity of Type 1 Diabetes. Diabetes Care. 2018 Feb;41(2):311-317. doi: 10.2337/dc17-0961

 

Pour être informé en temps réel de nos publications :


Loading

Découvrir PreciDIAB

Développer des méthodes innovantes validées scientifiquement pour prévenir et combattre le diabète.