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L'auteur

Marc GOZLAN

Je suis médecin de formation, journaliste par vocation. J’ai débuté ma carrière de journaliste médico-scientifique en agence de presse…  Lire la suite.

APPORT DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS L’AUTOGESTION DU DIABÈTE AU QUOTIDIEN

Illustration crée par Grok.

SOMMAIRE

3e volet de notre série « Intelligence artificielle et diabète »

Des outils de coaching santé embarquant de l’IA ont montré qu’ils peuvent aider, lorsqu’ils sont utilisés correctement, à maintenir la perte de poids chez des personnes avec un prédiabète. Par ailleurs, des algorithmes de traitement du langage naturel combinés à des méthodes d’apprentissage avancées, dans lesquelles le système apprend de ses actions et du retour utilisateur, ont le potentiel d’apporter aux patients diabétiques des recommandations qui complètent celles du coaching.

De même, de grands modèles de langue (LLM, Large Language Model), qui reposent sur des réseaux de neurones artificiels entraînés sur un corpus de textes, alimentés avec des informations up-to-date et spécifiques du diabète, ont le potentiel de comprendre et de répondre à diverses questions, telles que répondre aux questions des patients sur les problèmes liés au diabète, fournir des conseils en matière de nutrition ou encourager l’observance du traitement, encourageant ainsi une meilleure autogestion et facilitant l’appropriation de la maladie par les patients (empowerment).  

Contrôle automatique du régime alimentaire

Les outils de reconnaissance alimentaire par une IA capable de reconnaître les images sont en plein essor (Foodvisor, GoCarb, Diabhealth, iSpy). Ils permettent de compter les glucides et donc favorisent une surveillance nutritionnelle, automatisée et précise, des personnes vivant avec un diabète. Ils surpassent les méthodes traditionnelles de comptage des glucides, sujettes à l’erreur humaine.

Coaching nutritionnel et prescription personnalisée d’une activité physique

Certains outils en matière de coaching nutritionnel intègrent même les antécédents médicaux et les habitudes alimentaires du patient diabétique afin qu’il reçoive des conseils personnalisés.

Des applications mobiles dotées d’une IA ont été conçues pour aider notamment les patients à gérer de façon personnalisée et quantitative leur activité physique, à calculer la dose d’insuline à partir d’une surveillance de leur glycémie, à leur rappeler de prendre leur traitement.

Encore faut-il que ces applications embarquant une IA, censées améliorer le contrôle glycémique, soient évaluées de façon rigoureuse. Et les auteurs dun article publié dans The Lancet Diabetes & Endocrinology en août 2024 d’indiquer que l’application BlueStar, première application de gestion du diabète approuvée aux États-Unis par la Food and Drug Administration (FDA), a certes réduit de manière significative l’indicateur de gestion de la glycémie et le temps au-dessus de la cible dans une étude observationnelle en conditions réelles. Cependant, lorsque cette application a été évaluée dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé multicentrique, les résultats n’ont montré aucune réduction globale significative de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) chez les utilisateurs de BlueStar par rapport aux individus témoins. Les seuls progrès notables en matière de contrôle glycémique ont été observés uniquement chez les patients qui avaient consciencieusement utilisé l’application. L’adhésion à ce type d’outil s’avère donc cruciale pour en tirer un bénéfice significatif.

Prédire les épisodes hypoglycémiques

Après entraînement sur des milliers de données obtenues avec des systèmes de surveillance de la glycémie et un grand volume de données cliniques provenant de dossiers médicaux électroniques, l’IA est en mesure d’améliorer le contrôle glycémique en prédisant les fluctuations de la glycémie et en permettant une prise en charge à un temps opportun.

C’est ainsi que certains modèles d’IA ont anticipé les valeurs de la glycémie avec jusqu’à trois heures d’avance. De tels outils pourraient s’avérer très utiles pour adapter à temps les doses d’insuline en réponse à des hypoglycémies ou des hyperglycémies.

Publiée en 2021 dans la revue JMIR diabetes, une méta-analyse, réalisée par des chercheurs japonais et portant sur les résultats de 27 études évaluant des algorithmes de machine learning, a permis de prédire des épisodes hypoglycémiques avec une bonne sensibilité et spécificité.

Aide de l’IA dans un traitement précis et personnalisé

Sur le plan thérapeutique, l’IA peut aussi être une aide dans certaines situations complexes qui nécessitent un traitement personnalisé. Ainsi, des modèles d’apprentissage automatique et des réseaux neuronaux artificiels ont utilisé des données issues de dossiers médicaux électroniques de personnes atteintes de diabète pour prédire l’échec du traitement par la metformine en monothérapie ce qui a incité à réviser le traitement. À l’inverse, une autre IA a permis de prédire quels patients pourraient bénéficier d’une augmentation de posologie de la metformine.

Dans d’autres cas, une IA a analysé les prescriptions séquentielles de médicaments. Elle a permis de détecter des relations temporelles entre traitements, conduisant à prédire les prochaines étapes de la prise en charge thérapeutique et ainsi à déterminer quel devrait être le prochain médicament susceptible d’être prescrit au patient. Là encore, une évaluation de ces outils par des essais contrôlés randomisés est nécessaire.

Optimiser la titration de l’insuline

L’IA est également susceptible d’aider la stratégie de titration de l’insuline, qui correspond à la période de plusieurs semaines durant laquelle on adapte les doses après l’initiation de l’insulinothérapie en réponse à la concentration en glucose sanguin ou en fonction de ce que le patient a récemment mangé. Plusieurs études ont été publiées visant à optimiser les stratégies de titration à l’aide de l’IA.

Une équipe américaine a notamment rapporté en 2021 dans le JAMIA (Journal of the American Medical Informatics Association) les résultats obtenus grâce à une IA qui a analysé les données cumulées sur douze ans (2008-2020) et provenant de plus de 16 000 patients hospitalisés et recevant de l’insuline par voie sous-cutanée. Combinant l’apprentissage par renforcement, qui optimise les performances du système au travers de la sélection des meilleurs résultats en tenant compte des essais-erreurs, cet outil de machine learning a permis d’améliorer le traitement quotidien par insuline de patients ayant un DT1 et un DT2. Il a en effet pu identifier, avec une précision satisfaisante dans ces deux groupes de patients, ceux qui nécessitaient, comme dose totale journalière, plus de 6 unités d’insuline.

L’IA peut donc être une aide utile pour l’estimation initiale des doses d’insuline dans chacune des deux principales formes de diabète.

Optimiser les doses délivrées par les dispositifs de délivrance automatisée d’insuline

L’avènement des technologies permettant une mesure en continu du glucose sous-cutané (MCG), combinées aux algorithmes de dosage prédictifs alimentés par l’IA, ont accéléré le développement des dispositifs médicaux de délivrance automatisée d’insuline (AID).

Ces systèmes ajustent les débits d’administration de l’insuline basale toutes les 5 à 10 minutes en fonction des données en temps réel fournies par la MCG, offrant ainsi des corrections automatiques en cas d’hyperglycémie et suspendant l’administration d’insuline pour prévenir l’hypoglycémie.

De tels dispositifs ont été développés par les firmes Medtronic (Minneapolis, Minnesota), CamDiab (Cambridge, Royaume-Uni), Insulet (Acton, Massachusetts), Diabeloop (Grenoble), Tandem Diabetes Care (San Diego, Californie).

Un mot sur le modèle Guardian Connect CGM de la firme Medtronic. Construit à partir de 120 millions de points de données de glucose, collectés toutes les 5 minutes sur environ 10 000 patients vivant avec un diabète de type 1 sur une période médiane de 272 jours, ce système est capable d’alerter de la survenue d’une hypoglycémie une heure avant dans 80 % des cas et dans les 30 minutes dans 98,5 % des cas.

De tels systèmes d’IA exploitant les données de la mesure en continu du glucose (MCG) pourraient permettre d’augmenter le temps dans la cible, durant lequel la glycémie est comprise dans des valeurs normales.

Cela dit, grâce à l’IA, il ne sera bientôt plus nécessaire que les utilisateurs renseignent ces systèmes de MCG sur la quantité de glucides ingérés pendant les repas pour obtenir un dosage précis de l’insuline post-prandiale.

Baptisé « pancréas bionique », un dispositif développé par la société Beta Bionics (Irvine, Californie) ne repose que sur le poids du patient, paramètre qui suffit à initialiser les algorithmes. Le système détermine ensuite automatiquement toutes les doses d’insuline. Le patient n’a plus l’obligation de fournir au système une estimation quantitative de sa ration en glucides avant chaque repas. Les algorithmes se chargent de déterminer les doses thérapeutiques d’insuline (insuline basale, corrections des doses et des bolus, doses délivrées après l’annonce des repas).

Ce dispositif s’est avéré plus efficace pour maintenir la glycémie dans des valeurs cibles normales que le traitement insulinique standard chez les personnes atteintes de diabète de type 1. Les résultats, publiés en 2022 dans le New England Journal of Medicine, montrent que le taux moyen d’hémoglobine glyquée (HbA1c) à 13 semaines, qui était de 7,9 % au début de l’essai, a diminué à 7,3 % dans le groupe pancréas bionique mais n’a pas varié dans le groupe traitement standard. Par ailleurs, à la 13e semaine, la valeur moyenne de la glycémie (évaluée par la MCG) a été inférieure de 16 mg/dL (0,9 mmol/L) dans le groupe pancréas bionique par rapport à celui observé dans le groupe traitement standard. Enfin, la différence entre les deux groupes concernant le pourcentage de temps durant lequel la glycémie se situait dans la cible (entre 70 et 180 mg/dL) a été de 11 %, ce qui représente plus de deux heures et demie supplémentaires par jour de temps passé dans la cible. Ce produit (iLet Bionic Pancreas) est disponible sur le marché américain depuis décembre 2023.

À suivre…

Lire le 1er volet de la série « Intelligence artificielle et diabète »

Lire le 2e volet de la série « Intelligence artificielle et diabète »

Pour en savoir plus...

La liste complète des références bibliographiques sera communiquée lors de la parution du 5e volet de cette série.

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