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L'auteur

Marc GOZLAN

Je suis médecin de formation, journaliste par vocation. J’ai débuté ma carrière de journaliste médico-scientifique en agence de presse…  Lire la suite.

Le sclérœdème, complication dermatologique rare et méconnue du diabète

Épaississement et une induration de la peau de la nuque. Makary N, Razali Q. N Engl J Med. 2024 Aug 22;391(8):e15.

Épaississement et une induration de la peau de la nuque. Makary N, Razali Q. N Engl J Med. 2024 Aug 22;391(8):e15.

SOMMAIRE

C’est l’histoire d’un homme de 68 ans, atteint d’un diabète de type 2 et d’une rétinopathie diabétique, qui consulte dans un service de dermatologie car il présente un épaississement et une induration de la peau de la nuque et du haut du dos. Ces dernières années, son taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c), reflet indirect de la glycémie, était compris entre 10 % et 11 %, largement supérieur à la valeur normale (< 6,5 %).

À l’examen clinique, la peau du cou est rouge et prend un aspect peau d’orange. Tous les mouvements du cou sont douloureux, surtout à la rotation. Une biopsie cutanée est réalisée qui montre un net épaississement du derme.

Ce sexagénaire, dont le cas a été rapporté par des médecins londoniens dans le numéro daté 22/29 octobre 2024 du New England Journal of Medicine (NEJM), présente ce que l’on appelle un sclérœdème de Buschke (du nom du dermatologue allemand Alfred Buschke, 1858-1922). Également dénommée scleredema diabetorum, cette complication cutanée du diabète est caractérisée par un épaississement de la peau, localisé principalement au niveau de la nuque et du dos.

Ce patient a été adressé à un endocrinologue pour être traité pour son sclérœdème et tenter d’obtenir un contrôle de son diabète. Six mois plus tard, la douleur au cou avait disparu, mais son hémoglobine glyquée était restée très élevée (9,1 %).

Epaississement et dureté de la peau de la nuque et du haut du dos

Le sclérœdème des diabétiques est caractérisé par une induration cutanée siégeant sur le cou et la nuque, et qui s’étend vers les épaules, le haut du dos, parfois vers les bras et les avant-bras. L’atteinte, qui se traduit par un épaississement et une perte d’élasticité, respecte toujours les extrémités (mains, pieds).

La peau au niveau du cou est épaissie et indurée, parfois érythémateuse (rouge). La zone cutanée atteinte peut avoir l’apparence d’une peau d’orange, comme chez le patient décrit dans le NEJM. L’atteinte est symétrique. L’induration ne prend pas le godet, ce qui signifie dans le jargon médical que l’on n’observe pas de dépression de la peau lorsqu’on exerce sur elle une pression ferme.

Un diagnostic clinique

Le scleredema diabetorum est généralement asymptomatique, mais peut être douloureux et entraîner dans les cas les plus sévères une diminution de la mobilité du cou et du dos.

Le diagnostic repose sur l’examen clinique. Il ne nécessite pas la réalisation d’un examen d’imagerie, bien que des études aient décrit ses aspects à l’échographie et à l’IRM.

En médecine clinique, on distingue trois types de sclérœdème. Le type 1 survient fréquemment après une infection respiratoire fébrile, en particulier liée au streptocoque, et disparaît complètement en quelques semaines ou mois. Le type 2 a une évolution lentement progressive et est souvent associé à une gammapathie monoclonale, c’est-à-dire à une pathologie caractérisée par la production excessive d’une immunoglobuline (anticorps) par des globules blancs anormaux. Le type 3 est celui que l’on rencontre chez des patients vivant avec un diabète mal contrôlé et associé à des complications. On estime que plus de la moitié des patients atteints de sclérœdème présentent un diabète concomitant. Les types 2 et 3 peuvent persister des années.

La première description de cette pathologie dermatologique remonte à 1752. Mais ce n’est qu’en 1973 qu’un dermatologue israélien, Anatol Krakowski (hôpital Hadassah, Tel-Aviv), a rapporté qu’elle pouvait survenir chez des diabétiques en l’absence de toute infection respiratoire antérieure. Le nom de sclérœdème diabétique est alors proposé pour cette pathologie dermatologique qui survient chez des patients atteints d’un diabète sévère et compliqué.

Dépôts de mucine et de collagène dans le derme

La biopsie cutanée montre un derme jusqu’à quatre fois plus épais que la normale. On observe la présence de faisceaux épaissis de collagène dans le derme, séparés par des espaces clairs (fenestrations), remplis de dépôts composés principalement de mucine et d’acide hyaluronique. L’origine physiopathologique du sclérœdème de Buschke n’est pas claire. On considère que le principal mécanisme en cause serait l’accumulation de ces composés du fait de la production excessive par les fibroblastes, cellules du tissu conjonctif, de mucine (une protéine de haut poids moléculaire fortement glycosylée, c’est-à-dire porteuse de sucres) et de collagène.

Une pathologie principalement associée au diabète de type 2

Cette pathologie chronique est sans doute sous-diagnostiquée, malgré le fait qu’elle est détectée par une simple palpation. La prévalence de cette complication du diabète varie entre 2,5 % et 14 %. On observe une forte proportion de patients avec un diabète de type 2 non contrôlé, nécessitant un traitement par l’insuline.

Cette pathologie dermatologique survient donc chez des patients souffrant depuis longtemps d’un diabète et ayant un mauvais contrôle glycémique. Elle survient dix fois plus souvent chez les hommes.

Pas de traitement spécifique et probant du sclérœdème

À ce jour, il n’existe aucun traitement satisfaisant du sclérœdème. Il est souvent difficile de déterminer le meilleur traitement pour contrôler cette pathologie caractérisée par une évolution bénigne, lente et chronique.

Chez certains patients, la kinésithérapie est nécessaire pour améliorer la mobilité du cou et du dos. La photothérapie (PUVA) est un traitement possible.

Chez les patients diabétiques, la survenue d’un sclérœdème impose un suivi régulier et une surveillance de l’état métabolique (glycémie à jeun, HbA1c, poids corporel). L’association avec une apnée du sommeil a été rapportée il y a une vingtaine d’années dans une étude conduite en Martinique.

Dans la mesure où le sclérœdème de Buschke apparaît sous-diagnostiqué, il importe que les patients soient informés de cette complication dont le début est insidieux et asymptomatique, mais peut parfois être invalidante lorsqu’elle entraîne une diminution de la mobilité.

Enfin, il est à noter que l’amélioration du contrôle glycémique ne donne pas de résultat thérapeutique probant, ce qui souligne l’importance de la prévention.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur XFacebookLinkedInMastodonBluesky)

Pour en savoir plus...

Makary N, Razali Q. Diabetes-Associated Scleredema. N Engl J Med. 2024 Aug 22;391(8):e15. doi: 10.1056/NEJMicm2400802

Bradi T, Debbiche A, Koubaa W, et al. Une infiltration cutanée : sclérœdème des diabétiques. La Presse Med. 2021 Oct;40(10):982-984. doi:10.1016/j.lpm.2011.02.005

Csonka V, Bódis B, Kovács D, et al. Screening for the presence of scleroedema adultorum of Buschke in patients with diabetes mellitus: newly diagnosed patients had a high prevalence of dyslipidaemia. Lipids Health Dis. 2021 May 5;20(1):47. doi: 10.1186/s12944-021-01473-1

Barde C, Masouyé I, Saurat JH, Le Gal FA. Scléroedème de Buschke chez un diabétique: traitement par immunoglobulines intraveineuses. Ann Dermatol Venereol. 2009 Apr;136(4):360-3. doi: 10.1016/j.annder.2008.09.024

Meguerditchian C, Jacquet P, Béliard S, et al. Scleredema adultorum of Buschke: an under recognized skin complication of diabetes. Diabetes Metab. 2006 Nov;32(5 Pt 1):481-4. doi: 10.1016/s1262-3636(07)70307-5

Sattar MA, Diab S, Sugathan TN, et al. Scleroedema diabeticorum: a minor but often unrecognized complication of diabetes mellitus. Diabet Med. 1988 Jul-Aug;5(5):465-8. doi: 10.1111/j.1464-5491.1988.tb01030.x https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1464-5491.1988.tb01030.x

Cole GW, Headley J, Skowsky R. Scleredema diabeticorum: a common and distinct cutaneous manifestation of diabetes mellitus. Diabetes Care. 1983 Mar-Apr;6(2):189-92. doi: 10.2337/diacare.6.2.189

Krakowski A, Covo J, Berlin C. Diabetic scleredema. Dermatologica. 1973;146(3):193-8. doi: 10.1159/000251956

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