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Marc GOZLAN

Je suis médecin de formation, journaliste par vocation. J’ai débuté ma carrière de journaliste médico-scientifique en agence de presse…  Lire la suite.

Plus l’intensité de l’activité physique est élevée, plus basse est l’incidence du diabète de type 2

Marche à bonne allure de sujets sexagénaires. ©Feepix

Marche à bonne allure de sujets sexagénaires. © Feepix

SOMMAIRE

Une étude prospective, menée pendant plusieurs années sur une vaste cohorte de sujets britanniques, montre l’existence d’une forte relation linaire inverse entre la dépense énergétique liée à l’activité physique et l’incidence du diabète de type 2 (DT2). Les chercheurs de l’Institut de science métabolique de l’université de Cambridge déclarent que pratiquer l’équivalent d’au moins 20 minutes de marche rapide par jour pourrait réduire de près de 20 % le risque de développer un DT2. Les résultats de cette étude ont été publiés dans le numéro daté de juin 2023 de la revue Diabetes Care.

On connaît depuis longtemps les effets bénéfiques d’une activité physique régulière à la fois dans la prévention et la prise en charge du DT2 pour améliorer l’équilibre glycémique. En outre, une vingtaine d’années se sont écoulées depuis la publication de grands essais randomisés montrant l’impact positif de l’activité physique en termes de prévention du DT2. Par ailleurs, une étude publiée en 2016 a montré que des niveaux d’activité physique plus intenses pendant les loisirs sont associés à une incidence nettement moins élevée du diabète de type 2.

Depuis, des recommandations concernant la prévention du DT2 mais aussi des maladies cardio-vasculaires, préconisent de pratiquer une activité physique modérée à vigoureuse. Aux États-Unis, il est recommandé que les adultes pratiquent une activité physique d’intensité modérée d’une durée minimale de 150 minutes par semaine. En France, la recommandation pour les adultes revient au même : il est préconisé de pratiquer 30 minutes d’activité physique d’intensité modérée à élevée, au moins cinq jours par semaine, en évitant de rester deux jours consécutifs sans pratiquer.

Cela dit, bien que des études cliniques randomisées aient contribué à montrer les effets bénéfiques de l’activité physique en matière de prévention cardiovasculaire, une importante question subsiste : quelle est la « dose » d’activité physique permettant d’obtenir une réduction optimale du risque de développer un DT2 ? La majorité des études observationnelles publiées ne concernent que de faibles effectifs. Surtout, elles reposent sur des données recueillies auprès des participants, avec tout ce que cela peut comporter de subjectivité et d’imprécisions dans les estimations de la dépense énergétique liée à l’activité physique.

Mesure objective par accéléromètre de l’intensité de l’activité physique

Accéléromètre AX3. Axivity (Newcastle upon Tyne, Royaume-Uni). Ce dispositif mesure l’accélération qui est ensuite être utilisée pour estimer l’intensité de l’activité physique en fonction du temps.

L’étude des chercheurs de Cambridge a consisté à équiper plus de 90 000 adultes d’un accéléromètre porté au poignet de la main dominante. Ce dispositif, portable et peu encombrant, mesure le mouvement du corps en termes d’accélération, qui peut ensuite être utilisée, par l’intermédiaire d’une équation, pour estimer l’intensité de l’activité physique en fonction du temps. Il est ainsi possible de déterminer le profil d’activité physique de chaque participant. Le niveau d’activité physique est ainsi mesuré de façon plus précise que lorsque la personne la renseigne au moyen d’un questionnaire, ce qui dans ce dernier cas est à la fois plus subjectif et moins motivant. Les auteurs ont alors converti le temps passé à chaque niveau d’intensité en kilojoules par kg et par jour.

Cette étude a été menée auprès d’un nombre très important de sujets, initialement inclus dans la UK Biobank, une vaste cohorte prospective composée de plus d’un demi-million d’adultes vivant en Grande-Bretagne, âgés de 40 à 69 ans, et dont les données génétiques, l’état de santé et le style de vie ont été anonymisés. Elle fournit une opportunité unique de répondre à la question de la « dose » d’activité physique nécessaire pour prévenir la survenue d’un DT2. Un diabète incident était identifié par la mention « diabète sucré de type 2 » dans les données statistiques hospitalières (code E11 de la classification internationale des maladies).

Dans un premier temps, Tessa Strain, Søren Brage, Nick Wareham et leurs collègues ont déterminé la dépense énergétique liée à l’activité physique grâce à un accéléromètre porté au poignet pendant sept jours par 90 096 participants de la cohorte UK Biobank et dont aucun n’avait été diagnostiqué comme diabétique de type 2. Il s’avère que 2 018 participants (dont l’âge moyen était de 62 ans et dont 57 % étaient des femmes) ont développé un DT2 durant la durée de l’étude, poursuivie jusqu’en novembre 2020.

Les chercheurs ont établi l’existence d’une forte relation linaire inverse entre la dépense énergétique liée à l’activité physique et le risque de développer un DT2. Selon eux, une dépense énergétique liée à l’activité physique équivalant à une marche rapide de vingt minutes réduirait de 19 % le risque de développer un DT2.

Lorsque les auteurs ont tenu compte de l’indice de masse corporelle (ajustement sur l’IMC), la relation était toujours linéaire entre la dépense énergétique liée à l’activité physique et le risque de développer un DT2, mais celui-ci était diminué de 11 %.

Ces résultats ont été observés dans les deux sexes, même s’ils étaient un peu plus importants chez les hommes que chez les femmes. Ils étaient plus faibles chez les individus obèses au début de l’étude, de même que chez ceux qui présentaient une forte susceptibilité génétique à l’obésité.

Un bénéfice supplémentaire a été observé en fonction de l’intensité de l’activité physique pour un même niveau de dépense énergétique. Il a été constaté que le risque de DT2 était diminué de 37 % lorsque les personnes se livraient à une activité physique d’intensité modérée à vigoureuse durant 30 % de l’activité physique totale. La probabilité de développer un DT2 était 50 % moindre lorsque la part d’une activité physique d’intensité modérée à vigoureuse atteignait 40 %.

Privilégier une activité physique d’intensité modérée à vigoureuse

L’ensemble de ces résultats indique que l’activité physique joue un rôle majeur dans la population générale dans la prévention du diabète de type 2 et que, pour un niveau donné de dépense énergétique, pratiquer une activité physique modérée à vigoureuse s’accompagne d’effets bénéfiques supplémentaires.

Cette étude montre donc qu’une activité physique modérée a plus d’effet sur la diminution du risque de diabète incident que le volume total d’exercice physique. En d’autres termes, obtenir un même volume d’activité physique en pratiquant une activité plus intense est associée à un risque moindre de DT2 qu’en se livrant à une activité à moindre intensité.

L’ensemble des données de l’étude britannique montre qu’en matière de prévention du DT2, « pratiquer une activité physique est mieux que rien, plus, c’est mieux, et plus tôt est encore mieux », déclarent Benoît Arsenault et Jean-Pierre Desprès de l’Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec (Canada) dans un éditorial associé à l’article de leurs collègues britanniques.

« Pour ceux qui étaient sédentaires lorsqu’ils étaient jeunes adultes, l’étude indique qu’il n’est jamais trop tard pour devenir physiquement actif pour réduire le risque de DT2 », estiment les deux chercheurs canadiens. Selon eux, cette étude devrait encourager les cliniciens à inciter leurs patients qui en sont capables à pratiquer une activité physique quotidienne, quel que soit leur statut pondéral. Il a en effet été montré qu’une activité physique modérée à vigoureuse permet d’augmenter la captation musculaire du glucose et que l’entraînement en endurance augmente la sensibilité à l’insuline.

Bien évidemment, une étude observationnelle ne permet pas, par principe, d’établir une relation de causalité, dans la mesure où des personnes pratiquant une activité physique peuvent présenter des différences entre elles sur les plans socio-économiques et environnementaux, ce qui peut être source de biais et comporter des facteurs de confusion faussant l’estimation de l’association mise en évidence. Les auteurs ont donc examiné si l’association entre la dose d’activité physique et le risque de développer un DT2 différait dans plusieurs sous-groupes définis par leurs caractéristiques en termes de démographie et d’état de santé.

Il s’avère que l’association inverse entre la dépense énergétique liée à l’activité physique et le risque de développer un DT2 a été observée dans tous les sous-groupes analysés. Selon les auteurs, leurs résultats montrent donc que « l’augmentation de la dépense énergétique liée à l’activité physique devrait rester une priorité de santé publique ».

L’activité physique pour contrecarrer le risque génétique de DT2

Telle est aussi la conclusion d’une autre étude de cohorte, là encore composée d’individus inclus dans la UK Biobank. Âgés en moyenne de 61 ans, 59 325 sujets ont été suivis pendant un suivi médian de 6,8 ans (la moitié des participants ayant été suivis pendant au moins cette durée). Les résultats de cette étude dirigée par des chercheurs australiens ont été publiés le 5 juin 2023 dans le British Journal of Sports Medicine.

Les auteurs ont demandé aux participants de porter au poignet un accéléromètre (le même modèle que celui utilisé dans l’étude des chercheurs de Cambridge). Là encore, une forte association linéaire dose-réponse a été observée entre la quantité d’activité physique modérée à vigoureuse (la « dose ») et l’incidence du diabète de type 2 (la « réponse »).

Cette relation a également été observée en tenant compte du risque génétique de développer un DT2. Celui-ci a été évalué à partir d’un score incluant une sélection de plus de 400 indicateurs génomiques (polymorphismes nucléotidiques). Selon le résultat, le risque génétique a été catégorisé comme faible, intermédiaire ou élevé. Il s’agit là du premier suivi prospectif d’une cohorte issue de la population générale visant à explorer la relation entre la dépense énergétique de l’activité physique et l’incidence d’un diabète de type 2 en tenant compte du risque génétique.

Mengyun Luo, Ding Ding et leurs collègues de l’école de santé publique de Sydney (Australie) rapportent avoir observé 884 cas de diabète durant le suivi médian de l’étude de 6,8 ans. Le risque de développer un DT2 était 80 % moindre chez les participants les plus actifs en matière d’activité physique par rapport aux moins actifs.

Cette  relation est particulièrement forte pour ce qui concerne l’intensité de l’activité physique. Ainsi, il a été montré que plus l’intensité de l’activité physique est élevée, plus basse est l’incidence du diabète de type 2, avec une réduction de 68 % du risque de développer un DT2 dans le sous-groupe des participants les plus actifs.

L’association entre une activité physique d’intensité légère et le moindre risque de développer un DT2 était bien plus faible. De fait, seuls les participants pratiquant une activité physique d’intensité légère de plus de 7,4 heures par jour présentaient un risque significativement moindre de développer un DT2.

Après ajustement sur le risque génétique, une relation inverse entre activité physique totale et risque de diabète incident a également été observée. Parmi les participants les plus actifs, la réduction du risque était de l’ordre de 60 à 70 % chez ceux présentant un risque génétique élevé, intermédiaire ou faible de développer un DT2.

Dans chacun de ces trois sous-groupes à risque génétique, les auteurs ont observé que le risque de développer un DT2 est d’autant plus réduit que le volume d’activité totale et la part de l’activité physique modérée à vigoureuse étaient importants.

Bénéfice à pratiquer une activité physique modérée à vigoureuse, indépendamment du risque génétique de DT2

Le risque de diabète incident était 74 % inférieur chez les participants à haut risque génétique de développer un DT2 dont la part d’activité physique modérée à vigoureuse était la plus élevée (68 minutes par jour) par rapport à ceux présentant un faible risque génétique mais dont l’activité modérée à vigoureuse était la plus basse (5 minutes par jour). De fait, la plus grande réduction du risque de développer un DT2 a été observée chez les participants présentant le risque génétique le plus élevé. « Ces résultats soulignent l’importance d’être physiquement actif pour prévenir un DT2, particulièrement chez ceux à risque génétique élevé », estiment les auteurs.

Cette étude indique par ailleurs que la relation inverse entre l’intensité de l’activité physique mesurée par accéléromètre et la survenue d’un DT2 ne présente pas de valeur minimale, autrement dit de valeur en deçà de laquelle les effets bénéfiques d’une activité physique régulière ne sont pas apparents. Au total, « nos résultats indiquent que les individus devraient être encouragés à être aussi actifs physiquement que possible pour maximiser les bénéfices », concluent les auteurs.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur TwitterFacebookLinkedInMastodon)

Pour en savoir plus...

Strain T, Dempsey PC, Wijndaele K, et al. Quantifying the Relationship Between Physical Activity Energy Expenditure and Incident Type 2 Diabetes: A Prospective Cohort Study of Device-Measured Activity in 90,096 Adults. Diabetes Care. 2023 Jun 1;46(6):1145-1155. doi: 10.2337/dc22-1467

Arsenault BJ, Després JP. Physical Activity for Type 2 Diabetes Prevention: Some Is Better Than None, More Is Better, and Earliest Is Best. Diabetes Care. 2023 Jun 1;46(6):1132-1134. doi: 10.2337/dci22-0065

Luo M, Yu C, Del Pozo Cruz B, et al. Accelerometer-measured intensity-specific physical activity, genetic risk and incident type 2 diabetes: a prospective cohort study. Br J Sports Med. 2023 Jun 5:bjsports-2022-106653. doi: 10.1136/bjsports-2022-106653

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