1ère PARTIE :
Obésité et lymphocytes T
Une étude américaine offre de nouvelles perspectives pour comprendre les liens complexes qui lient obésité, dysfonctionnement du système immunitaire et cancer, en l’occurrence le risque de survenue d’une tumeur maligne et la réponse à une immunothérapie anti-tumorale. Elle a été publiée le 2 avril 2024 dans la revue en ligne Nature Communications.
On le sait, l’obésité est associée à un risque accru de développer un cancer, qu’il s’agisse de celui d’organe (cancer solide) ou d’un cancer du sang (hémopathie maligne). Selon le Centre américain de contrôle et de prévention des maladies (CDC), les individus souffrant d’obésité présentent une incidence accrue pour 13 types de cancers différents.
L’obésité, facteur de risque majeur du cancer
Le cancer de l’endomètre (revêtement intérieur de la paroi du corps de l’utérus) est celui qui présente le lien le plus fort avec l’obésité, environ 50 % des cas lui étant attribués. De même, les cancers de l’œsophage, du pancréas, de l’ovaire, du sein en post-ménopause ont un lien fort avec l’obésité.
L’impact de l’obésité sur le système immunitaire est connu. On sait que les adultes obèses vaccinés ont plus de risque d’être infectés par le virus de la grippe que les sujets non obèses. De plus, plusieurs études ont montré une moindre efficacité vaccinale chez les enfants et les adultes souffrant d’obésité.
Une variété de globules blancs, les lymphoctes T, joue un rôle majeur dans la détection et l’élimination des cellules malignes avant même qu’elles ne parviennent à former une tumeur. Ces cellules T assurent ce que l’on appelle une surveillance immunitaire.
En cas de cancer, ces cellules immunitaires migrent de la circulation sanguine vers la tumeur et y pénètrent pour la combattre. Ces lymphocytes infiltrant la tumeur (appelés lymphocytes TIL, tumor-infiltrating lymphocytes) forment un groupe hétérogène de cellules, comprenant des lymphocytes B, T et des cellules tueuses naturelles (NK).
Chez les patients obèses atteints de cancer, les lymphocytes T infiltrant la tumeur présentent des anomalies de fonction et un métabolisme altéré en comparaison avec ceux de patients non obèses.
L’étude publiée dans Nature Communications éclaire sur la façon dont le dysfonctionnement immunitaire associé à l’obésité influe sur le risque de cancer, la progression de la maladie cancéreuse et sa réponse à l’immunothérapie.
L’immunothérapie des cancers a révolutionné le traitement du cancer, en améliorant considérablement le pronostic de certains patients. Elle repose sur l’emploi d’anticorps qui sont des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire, encore appelés inhibiteurs des checkpoints immunitaires (immune checkpoint blockade immunotherapy).
Ces anticorps thérapeutiques ciblent des signaux inhibiteurs entre cellules tumorales et lymphocytes T, ce qui permet de revigorer le système immunitaire du patient en réactivant son immunité cellulaire T anti-tumorale. Cette immunothérapie vise donc à lever la protection dont peuvent bénéficier les cellules cancéreuses grâce aux interactions entre les protéines situées à leur surface (PD-L1) et celles des cellules immunitaires (PD1, CTLA4). En bloquant ces freins, ces inhibiteurs des checkpoints immunitaires réactivent les cellules du système immunitaire pour les amener à attaquer la tumeur.
Plusieurs études chez l’animal (modèles précliniques) ont montré que l’obésité augmente la croissance tumorale et que cela est associé à des lymphocytes T dysfonctionnels, en particulier ceux porteurs à leur surface du marqueur CD8 (lymphocytes T CD8+). Pourtant, dans plusieurs modèles précliniques, le traitement par une immunothérapie anti-PD-1 a permis de ralentir la croissance tumorale, voire d’entraîner un rejet complet de la tumeur. Ces résultats inattendus indiquent que le dysfonctionnement des cellules T est réversible et que des souris obèses peuvent répondre favorablement à l’immunothérapie.
Ce lien, observé chez l’animal, entre obésité et réponse à l’immunothérapie anti-tumorale a également suscité beaucoup d’intérêt dans les essais cliniques humains. En 2018, une étude a montré que les patients obèses atteints de mélanome présentaient une meilleure survie globale et une meilleure survie sans progression après une immunothérapie par anticorps anti-PD-1 ou anti-PD-L1. Ceci n’a cependant été observé que chez les patients de sexe masculin.
Depuis, des études ont observé de meilleurs taux de réponse à l’immunothérapie anti-tumorale dans le cancer du poumon non à petites cellules et le cancer du rein. Une méta-analyse, couvrant 12 études et 5 140 patients, a également trouvé une association positive entre un IMC élevé (≥30) et une amélioration de la survie globale (SG) et de la survie sans progression (PFS, progression-free survival), c’est-à-dire la durée après traitement anti-cancéreux pendant laquelle la maladie cancéreuse ne s’aggrave pas.
« Paradoxe de l’obésité »
Ce phénomène contre-intuitif a été décrit comme le « paradoxe de l’obésité ». Il importe cependant de noter que toutes les études ne parviennent pas à la même conclusion. Une méta-analyse, portant sur 16 types de cancers et 1 840 patients, a remarqué que l’effet de l’obésité diffère selon le type de cancer. Il a ainsi été observé une réponse favorable à l’immunothérapie pour un IMC élevé (≥ 30) dans plusieurs cancers, dont celui du sein, le mésothéliome et le cancer du poumon non à petites cellules.
Des analyses semblent indiquer que le sexe du patient et le type de cancer peuvent influencer la réponse à l’immunothérapie anti-tumorale chez les patients obèses. Il en est de même de la charge tumorale mutationnelle, autrement dit du nombre plus ou moins important de mutations dans la tumeur. Lorsque celui-ci est élevé, cela s’accompagne à la surface de la cellule tumorale d’un accroissement de nouveaux motifs immunogènes (néo-antigènes), capables d’être détectés par le système immunitaire.
On distingue ainsi des tumeurs ayant une forte charge mutationnelle et celles ayant une faible charge mutationnelle. Des études ont montré que les patients ayant un IMC élevé et une forte charge mutationnelle tumorale avaient une meilleure survie globale que ceux avec un IMC élevé et une tumeur avec une faible charge mutationnelle.
L’étude publiée par les chercheurs de la faculté de médecine de l’université de Saint-Louis (Missouri) permet de comprendre le paradoxe de l’obésité observé dans les essais cliniques en immunothérapie anti-tumorale, en même temps qu’elle apporte un éclairage intéressant sur les liens entre obésité, immunité et cancer.
Ces chercheurs ont voulu savoir si une perte de poids pouvait contrecarrer le dysfonctionnement des lymphocytes T associé à l’obésité et si cette stratégie pouvait permettre d’améliorer l’immunité anti-tumorale.
Des souris rendues obèses par une alimentation riche en lipides
Alexander Piening, Ryan Teague et leurs collègues ont utilisé des souris nourries avec un régime alimentaire gras (40 % de graisses, 20 % de protéines, avec ajout de sucrose), similaire au régime « occidental » connu pour induire l’obésité chez l’homme. Ces souris ont été soumises à ce régime obésogène pendant 12 semaines, tandis qu’un autre lot de souris recevait une alimentation normale composée de 21 % de graisses et 23 % de protéines. Les chercheurs ont ensuite injecté par voie sous-cutanée, dans le flanc de ces rongeurs, des cellules tumorales de mélanome.
Ils ont ensuite analysé, chez les souris obèses et minces, les différences biologiques des lymphocytes T CD8+ infiltrant la tumeur (TIL). Ils ont également utilisé un outil de biologie moléculaire sophistiqué : le « séquençage des ARN messagers sur cellules uniques » ou Single-cell RNA-sequencing (ScRNA-seq). Cette technique permet de détecter quels gènes sont particulièrement actifs dans ces cellules immunitaires présentes au sein de la tumeur.
Les lymphocytes T CD8+ infiltrant la tumeur sont dysfonctionnels
L’analyse a montré un profil métabolique différent dans les lymphocytes infiltrant la tumeur chez les souris obèses et minces ayant été greffées en cellules tumorales. Alors que les lymphocytes TIL CD8+ des souris obèses renfermaient des gènes très actifs dans les réactions d’adipogenèse (fabrication du tissu adipeux) et de phosphorylation oxydative (étape finale de la respiration cellulaire), les TIL des souris minces exprimaient des gènes impliqués dans la glycolyse (voie métabolique de dégradation du glucose et de production d’énergie), la réponse en interféron-gamma (molécule jouant un rôle essentiel dans l’immunité) et le rejet de greffe. Or des études antérieures ont montré que l’expression des gènes de la glycolyse est nécessaire au bon fonctionnement des TIL CD8+.
Devant le constat, chez les souris obèses, d’un dysfonctionnement des lymphocytes T CD8+ au sein de la tumeur, dans ce qu’on appelle le microenvironnement tumoral, les immunologistes ont cherché à savoir si l’activité anti-tumorale dépendante de ces cellules T pouvait être restaurée par un changement de leur régime alimentaire.
Les souris obèses qui avaient reçu un régime alimentaire riche en lipides ont été soumises à un régime normal pendant 12 autres semaines. Elles ont rapidement perdu du poids et leur masse corporelle a atteint un niveau équivalent à celui des souris contrôles en l’espace de 2 à 4 semaines.
Pas de réponse à l’immunothérapie chez les souris obèses continuant à recevoir une alimentation obésogène
Les résultats de l’immunothérapie ont été très différents entre les souris minces, les souris obèses qui ont continué à recevoir pendant 12 semaines supplémentaires un régime « occidental » riche en graisses, sucres et priotéines et les souris obèses chez lesquelles le régime alimentaire trop gras avait été remplacé par une alimentation normale.
Les souris minces, auxquelles les chercheurs avaient injecté des cellules tumorales de mélanome et qui avaient reçu 5 à 8 jours plus tard une immunothérapie (par anticorps anti-PD-1 et anti-CTLA-4), ont résisté à la progression tumorale. En revanche, l’immunothérapie s’est montrée inefficace chez les souris devenues obèses après un régime alimentaire trop riche en graisses et qui continuaient à recevoir ce type d’alimentation.
La perte de poids due au changement d’alimentation restaure la fonction des lymphocytes T infiltrant la tumeur
À l’inverse, la perte de poids, provoquée par le changement de régime alimentaire de souris obèses, a permis de restaurer chez elles la réponse à l’immunothérapie et la fonction des cellules TIL CD8+. Chez ces rongeurs, les chercheurs ont observé que certains lymphocytes TIL spécifiquement dirigés contre un motif présent à la surface des cellules de mélanome produisaient des molécules dotées d’une activité anti-tumorale (interféron-gamma, granzyme B, perforine), alors que ces mêmes molécules cytotoxiques n’étaient pas produites par les TIL CD8+ de souris obèses continuant à recevoir une alimentation de type occidental.
Chez les souris antérieurement obèses ayant perdu du poids, les TIL CD8+ ont donc retrouvé la capacité d’exprimer ces molécules anti-tumorales, de façon comparable aux TIL des souris contrôles restées minces, et notamment après administration d’une immunothérapie.
« Ces données indiquent qu’un changement de régime alimentaire résultant en une perte de poids peut inverser le dysfonctionnement immunitaire et l’absence de réponse à l’immunothérapie associée à l’obésité », déclarent les auteurs.
Des souris obèses traitées par un médicament anti-obésité
Les chercheurs ont ensuite voulu déterminer si une perte de poids induite par la prise d’un médicament anti-obésité parvenait aux mêmes résultats. Pour ce faire, ils ont administré à des souris obèses du sémaglutide (agoniste des récepteurs du GLP-1, glucagon-like peptide 1). Il a été montré que ce médicament, utilisé à l’origine dans le traitement du diabète de type 2, entraîne une perte de poids chez les adultes et adolescents obèses.
Les chercheurs ont comparé un groupe de souris rendues obèses qui ont continué à recevoir une alimentation riche et ont reçu une solution neutre, tandis que d’autres souris obèses ont commencé à être traitées par sémaglutide tout en étant maintenues sous un régime alimentaire riche.
Les souris traitées par sémaglutide ont rapidement perdu du poids. Au bout d’une semaine, leur masse corporelle était similaire à celles des souris minces. Elles continuaient à perdre du poids tout en étant alimentées par un régime riche.
Lorsque ces souris ont été greffées avec des cellules tumorales de mélanome, les chercheurs ont observé qu’elles ne répondaient que faiblement à l’immunothérapie et que la fonction des lymphocytes TIL CD8+ n’était pas améliorée.
La perte de poids induite par le sémaglutide échoue à améliorer l’immunité anti-tumorale
« Ces résultats indiquent que le dysfonctionnement immunitaire associé à l’obésité est indépendant de la masse corporelle et de l’adiposité (…) Ces expériences in vivo montrent que différentes stratégies de perte de poids, pouvant apparaître efficaces de la même façon lorsque l’on prend en compte la seule masse corporelle, peuvent avoir un impact divergeant en termes de réponse immunitaire contre le cancer », concluent les chercheurs.
Ils ajoutent n’avoir pas trouvé, chez des souris obèses, de corrélation entre le taux sanguin de cholestérol et la fonction des TIL CD8+, pas plus qu’ils n’ont observé une amélioration des capacités fonctionnelles de ces lymphocytes infiltrant la tumeur lorsque ces rongeurs ont été traités par atorvastatine, un médicament permettant d’abaisser les taux de cholestérol circulant dans le sang.
Les scientifiques ont ensuite cherché à déterminer si le dysfonctionnement des cellules T associé à l’obésité augmentait le risque de développer un cancer lorsque des souris minces et obèses étaient exposées à une substance chimique carcinogène, le méthylcholanthrène. On sait que ce carcinogène entraîne à la longue la survenue de tumeurs (sarcomes) chez la souris. Ce laps de temps permet au système immunitaire d’interagir avec la tumeur en formation dès les premiers stades du processus cancéreux. Le suivi des rongeurs exposés a été de quatre mois.
Chez les souris obèses exposées à un carcinogène, le dysfonctionnement immunitaire augmente le risque de cancer
Les chercheurs ont observé que 53 % des souris minces ont développé un sarcome au bout de 120 jours, alors que 84 % des souris obèses présentaient une tumeur.
De fait, chez les souris obèses, le taux de survenue des tumeurs était similaire à celui observé chez des souris Rag2−/− (porteuses d’une mutation pour le gène Rag2), présentant une absence totale de lymphocytes T et B (absence d’immunité adaptative). Peu importait que ces souris immunodéficientes soient minces ou obèses, le résultat était le même : chez toutes les souris Rag2−/−, l’incidence des tumeurs était identique que leur régime alimentaire soit normal ou riche, qu’elles soient minces ou obèses.
Pour les chercheurs, ce résultat montre que la protection contre le cancer observée chez les souris minces dépend d’une réponse robuste du système immunitaire, qui est altérée chez les souris obèses. « Ces résultats fournissent une preuve expérimentale du lien entre le dysfonctionnement immunitaire associé à l’obésité et le risque accru de cancer », déclarent les auteurs de l’étude.
Par ailleurs, le fait que le taux de survenue de tumeurs était équivalent chez les souris Rag2−/− minces et obèses, de même que chez les souris normales obèses, indique aussi que la surveillance immunitaire joue un rôle dans le développement tumoral qui surpasse les autres comorbidités liées à l’obésité. Ces résultats suggèrent donc qu’une surveillance immunitaire compromise pourrait contribuer à une incidence plus élevée de cancer chez les personnes obèses.
Enfin, les scientifiques ont cherché à déterminer si des tumeurs qui se développent chez des souris obèses, donc dans un contexte immunitaire moins vigoureux que celui de souris minces, présentent une capacité différente à susciter une réponse immunitaire et à répondre à une immunothérapie.
Plus forte immunogénicité des tumeurs qui se développent chez les souris obèses
Pour comprendre, il faut savoir que la surveillance exercée par le système immunitaire est composée de trois phases.
Dans la première phase, les cellules tumorales sont tuées par les cellules NK et les lymphocytes T CD4+ et CD8+. L’éradication des cellules tumorales empêche donc la formation de certaines tumeurs.
La deuxième phase de cette immunosurveillance correspond à un état d’équilibre entre cellules immunitaires et cellules tumorales. On assiste alors à une sélection de cellules tumorales résistantes au système immunitaire. C’est la phase d’immunoediting.
La troisième phase est caractérisée par l’incapacité du système immunitaire à détruire les cellules tumorales. C’est la phase d’échappement, qui se manifeste par l’apparition d’une tumeur détectable.
Le concept d’immunoediting suppose donc qu’un système immunitaire n’exerce pas le même contrôle sur les cellules cancéreuses selon qu’il est performant ou non. Se pourrait-il que des tumeurs se développant suite à l’injection de cellules cancéreuses à des souris obèses subissent un immunoediting différent de celui à l’œuvre chez des souris minces ?
Afin de déterminer si l’immunoediting diffère selon que la tumeur provient de souris minces ou obèses, les chercheurs ont prélevé des cellules de sarcome issues de ces deux groupes de rongeurs et les ont injectées par voie sous-cutanée à des souris minces.
Un immunoediting défaillant augmente l’immunogénicité tumorale
Lorsque des cellules de sarcome provenant de souris minces ont été transplantées à d’autres souris minces, la croissance tumorale a été rapide chez des animaux receveurs. Sur les 20 souris receveuses, 18 ont développé des tumeurs volumineuses au bout d’un mois.
En revanche, lorsque des cellules tumorales issues de souris obèses ont été injectées à des souris minces, la croissance tumorale a été plus lente. Dans certains cas, la greffe tumorale a été rejetée. Cette fois, après un mois, sur les 20 souris receveuses, des tumeurs volumineuses se sont développées chez seulement 11 d’entre elles. Ces résultats indiquent que les tumeurs se développant chez des souris obèses présentent une forte immunogénicité et qu’elles sont donc plus facilement combattues, voire rejetées, lorsqu’elles sont transplantées chez une souris immunocompétente.
La forte immunogénicité des tumeurs développées chez des souris obèses, au système immunitaire dysfonctionnel, devrait en principe entraîner une plus grande sensibilité à l’immunothérapie.
De fait, les chercheurs ont montré que les tumeurs qui se sont développées chez des souris obèses ont été rejetées chez 15 des 20 souris receveuses (75 %) traitées par une immunothérapie (par anticorps anti-PD-1). À l’inverse, les tumeurs provenant de souris minces étaient relativement insensibles aux anticorps anti-PD-1. Seules 5 des 20 souris minces (25 %) ont réussi à rejeter leur tumeur.
Ces réponses différentes vis-à-vis des anticorps anti-PD-1 se sont traduites par des différences notables en termes de survie après immunothérapie. Les souris qui avaient été transplantées avec des cellules tumorales développées dans des souris obèses possédant une immunité dysfonctionnelle ont eu une survie plus longue.
Les chercheurs interprètent ces résultats comme la preuve que les tumeurs progressant chez des souris obèses subissent moins de pression sélective de la part de leur système immunitaire dysfonctionnel. Cela conduit, dans un contexte d’obésité, à la sélection de tumeurs présentant une forte immunogénicité, ce qui les rend plus sensibles à l’action anti-tumorale de l’immunothérapie. « Ce paradigme pourrait expliquer le paradoxe de l’obésité observé chez certains patients cancéreux », déclarent les auteurs de l’étude.
En résumé, « ces résultats démontrent que les tumeurs provenant de rongeurs obèses ont une plus forte immunogénicité que celles développées chez des souris minces et que cela peut être dû à une diminution de l’immunoediting par un système immunitaire adaptatif dysfonctionnel chez les souris obèses. En outre, ces résultats démontrent que la différence d’immunogénicité des tumeurs du fait d’un immunoediting distinct chez les souris maigres et obèses suffit à influencer le succès d’une immunothérapie ciblant les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire », concluent-ils.
De l’intérêt des modèles animaux d’obésité
Les modèles animaux peuvent donc contribuer à notre compréhension de la façon dont l’obésité reconfigure le système immunitaire et expose à la survenue d’un cancer.
L’utilisation d’un modèle de souris mimant l’obésité s’est révélé particulièrement utile pour mettre en évidence l’existence d’un lien entre un dysfonctionnement des lymphocytes T associé à l’obésité et un risque accru de cancer.
Ce modèle animal a également permis d’évaluer l’impact d’une perte de poids pour restaurer l’immunité anti-tumorale.
Enfin, les résultats obtenus ont montré que, chez des souris obèses, le dysfonctionnement des lymphocytes T altère les capacités d’immunosurveillance, ce qui conduit à un immunoediting moins performant, qui lui-même permet la croissance de tumeurs plus immunogéniques et pouvant paradoxalement se révéler plus sensibles à l’immunothérapie dans certains cas. Cette étude apporte donc un nouvel éclairage sur le paradoxe de l’obésité parfois observé cliniquement chez des patients.
2e partie : Les autres acteurs impliqués dans les liens entre obésité et cancer
Marc Gozlan (Suivez-moi sur X, Facebook, LinkedIn, Mastodon, Bluesky)