Une étude conduite auprès de patients vivant avec un diabète de type 2 (DT2) traités par l’insuline a permis d’obtenir, grâce à l’administration automatisée d’insuline, une amélioration significative du taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) et du temps passé dans la cible, deux importants paramètres associés au contrôle glycémique.
Au cours des dernières décennies, le nombre de patients diabétiques de type 2 insulinés (diabètes insulinonécessitants ou insulinorequérants) n’a cessé de progresser. Quand l’insulinosécrétion résiduelle s’épuise 10 à 15 ans après la découverte du diabète, l’obtention d’un équilibre glycémique correct peut rendre l’insulinothérapie inévitable. En France, la prise en charge des patients ayant un DT2 est assurée pour l’essentiel par les médecins généralistes. On estime qu’environ que l’insulinothérapie est utilisée dans 14,5 % des cas. La principale raison de mise sous insuline des patients DT2 par les médecins généralistes est une HbA1c trop élevée, associée ou non à des complications.
Publiée le 19 mars 2025 dans l’hebdomadaire médical américain The New England Journal of Medicine (NEJM), cette étude a été conduite pendant 13 semaines auprès de patients DT2 âgés de plus de 18 ans et vivant avec un diabète depuis plus de six mois. Mené de juin 2023 à juin 2024, cet essai visait à évaluer l’efficacité et la sécurité d’emploi d’un dispositif automatisé d’insulinothérapie chez des patients DT2 recevant de multiples injections quotidiennes d’insuline ou utilisant une pompe à insuline. L’âge des patients était compris entre 19 et 87 ans, le diagnostic de diabète ayant été établi entre 1 et 59 ans auparavant.
Cet essai clinique comportait deux groupes de patients : le premier a utilisé un système de délivrance automatisée de l’insuline (DAI), le second a continué à être traité par une insulinothérapie multi-injections (groupe contrôle). Les patients dans le groupe DAI étaient deux fois plus nombreux (215) que ceux du groupe contrôle (104).
Avant leur inclusion dans l’essai, 96 % de l’ensemble des participants recevaient plusieurs injections d’insuline et 4 % utilisaient une pompe à insuline depuis au moins trois mois. Les participants des deux groupes pouvaient continuer de suivre un traitement antidiabétique (inhibiteur de SGLT2) ou anti-obésité (agoniste du récepteur GLP-1), ou un autre traitement associé, si tel était le cas avant leur inclusion dans l’essai.
Le premier critère d’évaluation de cet essai multicentrique randomisé, conduit dans 21 centres hospitaliers aux Etats-Unis et au Canada, était le taux d’hémoglobine glyquée au bout de 13 semaines (plus de trois mois). Exprimée en pourcentage, l’hémoglobine glyquée (HbA1c) est le reflet de la glycémie. Son dosage dans le sang permet d’évaluer l’équilibre glycémique des deux à trois mois précédents.
Les autres paramètres évalués lors de cet essai consistaient notamment à évaluer le pourcentage de temps passé dans la cible, à savoir le temps par jour qu’une personne passe dans la plage de glycémie cible, en l’occurrence entre 0,7 et 1,8 mg/L, ou entre 3,9 et 10 mmol/L ; le pourcentage de temps passé avec une glycémie supérieure à 1,8 mg/L, voire dépassant les 2,5 g/L ; et celui passé avec une glycémie inférieure à 0,7 mg/L. L’étude visait également à déterminer la fréquence des épisodes d’hypoglycémie sévère.
Boucle fermée hybride
Les patients ayant bénéficié d’une délivrance automatisée de l’insuline (DAI) étaient porteurs d’une pompe à insuline t:slim X2 dotée de la technologie Control-IQ de la société Tandem Diabetes. La technologie Control-IQ est conçue pour aider à augmenter le temps dans la cible (entre 0,7 et 1,80 g/L) en utilisant les valeurs de la surveillance du glucose en continu (SGC). Le système de SGC utilisé était le Dexcom G6.
Ce système de délivrance automatisée de l’insuline (DAI) est ce que l’on appelle une « boucle fermée ». Il fonctionne avec une pompe à insuline intégrant un algorithme, un capteur de glucose en continu fixé sous la peau et un transmetteur. Ce système de DAI a été homologué dans le diabète de type 1 (DT1) et constitue une révolution pour les personnes qui l’ont adopté car il permet d’atteindre des niveaux de contrôle glycémique jamais obtenus auparavant, tout en allégeant le fardeau de la prise en charge.
L’objectif de ce système de délivrance automatisée d’insuline (DAI) est de prédire les niveaux de glucose 30 minutes à l’avance et d’ajuster automatiquement l’administration d’insuline en fonction des lectures du dispositif de surveillance du glucose en continu (SGC). Il s’agit donc de maintenir un taux de glucose dans le sang le plus stable possible, le plus longtemps dans la plage cible glycémique et ainsi réduire le risque d’hypoglycémie et d’hyperglycémie.
Lorsque la délivrance d’insuline se fait de manière semi-automatisée, on parle de boucle fermée « hybride » car le patient doit renseigner le système de DAI sur les glucides ingérés lors des repas et les prévisions d’activité physique dans la journée.
Yogish Kudva et ses collègues endocrinologues et internistes de la Mayo Clinic de Rochester (Minnesota) qui ont supervisé l’essai rapportent que le taux moyen d’hémoglobine glyquée à 13 semaines a diminué de 0,9 point (de 8,2 ± 1,4 % au départ à 7,3 ± 0,9 % à la semaine 13) dans le groupe DAI, et de 0,4 point (de 8,1 ± 1,2 % à 7,7 ± 1,1 %) dans le groupe contrôle. En moyenne, il a ainsi été observé une différence de 0,6 % du taux d’hémoglobine glyquée à 13 semaines dans le groupe DAI par rapport au groupe contrôle. Par ailleurs, les investigateurs ont noté qu’une réduction du taux d’hémoglobine glyquée de plus de 0,5 point a été enregistrée chez 59 % des patients du groupe DAI contre 30 % des participants du groupe témoin.
Il s’avère en outre que l’effet de l’insulinothérapie automatisée semble être plus important chez les patients qui avaient des niveaux élevés d’hémoglobine glyquée avant inclusion dans l’étude. Ainsi, parmi ceux qui avaient un taux initial d’hémoglobine glyquée supérieur ou égal à 9 %, celui-ci est passé en moyenne de 10,3 % à 7,9 % dans le groupe DAI et de 9,7 % à 8,6 % dans le groupe contrôle, ce qui représente une différence moyenne de 1 %.
Le pourcentage de temps pendant lequel les patients se situaient dans la plage cible de 0,7 g à 1,8 g/L a augmenté de 48 ± 24 % au départ à 64 ± 16 % à 13 semaines dans le groupe DAI et de 51 ± 21 % à 52 ± 21 % dans le groupe témoin. Cette différence correspond par jour à un temps moyen dans la cible supérieur de 3,4 heures par rapport au groupe contrôle. L’effet bénéfice en termes de temps passé dans la cible et de taux moyen de la glycémie a été observé à la fois durant les périodes diurne et nocturne. Le temps passé dans la cible doit être supérieur à 70 % pour permettre d’atteindre un taux d’hémoglobine glyquée autour des 7 % recommandés.

De même, on comptait une moindre fréquence d’épisodes d’hyperglycémie prolongée dans le groupe DAI et un nombre moins grand de patients avec une glycémie supérieure à 1,8 g/L ou à 2,5 g/L. Par ailleurs, la fréquence des épisodes hypoglycémiques, qui était faible au départ, l’est restée pendant les trois semaines de l’essai. Un patient a fait une hypoglycémie sévère dans le groupe DAI et aucun dans le groupe contrôle.
Il ressort que la dose quotidienne d’insuline administrée durant l’essai a été inférieure dans le groupe DAI que dans le groupe contrôle. En moyenne, celle-ci est passée de 95 ± 47 unités au départ à 87 ± 46 unités à la semaine 13 dans le groupe DAI et de 102 ± 50 unités à 104 ± 56 unités dans le groupe témoin. Les investigateurs ont observé une prise de poids chez les patients ayant bénéficié de l’insulinothérapie automatisée. Le gain de poids moyen par rapport au poids initial a été de 2,4 ± 4,4 kg dans le groupe DAI versus 0,9 ± 3,3 kg dans le groupe témoin, sans que les investigateurs connaissent le mécanisme responsable.
Le système de boucle fermée hybride a par ailleurs permis de réduire davantage l’hémoglobine glyquée chez les patients DT2 également traités par un inhibiteur de SGLT2 ou un analogue du GLP-1.
Cet essai multicentrique a inclus des patients avec une large tranche d’âge (de 19 à 87 ans) et comportait une diversité sur le plan ethnique. En effet, environ 39 % des patients inclus étaient issus de minorités. Il apparaît donc représentatif de la population adulte vivant avec un diabète de type 2. Pour autant, le suivi n’a été que de 13 semaines et on manque de données sur le temps nécessaire à la formation technique des patients à un tel système automatisé de délivrance de l’insuline.
Selon les auteurs de l’article du NEJM, « l’efficacité de la DAI dans cette cohorte de patients DT2 est similaire au bénéfice observé dans des essais contrôlés randomisés conduits auprès de patients adultes ayant un diabète de type 1 (DT1) ».
On le sait, depuis 2020, la mise à disposition de systèmes de délivrance automatisée de l’insuline (DAI) a représenté une révolution dans la stratégie thérapeutique du DT1 chez les enfants et adultes vivant avec cette pathologie chronique. Nul doute que les avancées extrêmement rapides dans le développement d’algorithmes efficaces vont se poursuivre à la fois dans le DT1 et le DT2.
Élargir le champ d’utilisation de l’insulinothérapie automatisée dans le DT2
Ces dernières années, deux approches ont été poursuivies pour utiliser la boucle fermée dans le traitement du DT2 : d’une part, l’utilisation de dispositifs et d’algorithmes initialement développés pour traiter le DT1, et d’autre part, la mise au point d’algorithmes dédiés au DT2 et visant la mise au point d’une boucle fermée complète (BFC). On parle de boucle fermée complètement automatisée (fully automated closed-loop insulin delivery) lorsque le patient n’a pas à annoncer les repas, ni à renseigner le système sur son activité physique.
Plusieurs études pilotes ont été menées récemment auprès de petites cohortes de patients DT2 équipés d’une boucle fermée hybride (BFH) développé par Tandem Diabetes (San Diego, Californie) et Insulet Corportion (Boston, Massachusetts) qui a développé le système DIA Omnipod 5. Il a été observé avec ces deux matériels une tendance à l’amélioration du temps dans la cible, sans modification du temps en-dessous de la cible (donc sans survenue d’hypoglycémies).
Pour traiter le DT2, une équipe britannique basée à Cambridge a modélisé la délivrance d’insuline en boucle fermée complète (BFC) en tenant compte des profils d’insulinosecrétion recueillis chez des patients initialement traités par antidiabétiques oraux puis par insulinothérapie automatisée. Conduite sur un petit nombre de patients DT2 insulino-requérants et nécessitant une hémodialyse régulière, une étude randomisée du groupe de Cambridge a montré l’efficacité de la boucle fermée complète avec, après une semaine d’utilisation, un accroissement d’environ 37 % du temps dans la plage cible (1 g à 1,8 g/L), sans augmentation du risque d’hypoglycémie.
Ce système en boucle fermée entièrement automatisé CamAPS HX (CamDiab, Cambridge) a été évalué au cours d’un essai crossover de trois semaines réalisé en ambulatoire chez 26 patients DT2 insulino-requérants en hémodialyse. On parle de crossover quand les patient inclus dans un groupe « passent » ensuite dans un autre. Une amélioration d’environ 15 % du temps dans la plage cible (1 g à 1,8 g/L) et une réduction du temps en-dessous de la cible avaient été observées.
Ce même dispositif de BFC a également été testé dans des hôpitaux en Suisse et en Grande-Bretagne lors d’une étude randomisée incluant 136 individus DT2 qui nécessitaient durant leur hospitalisation une insulinothérapie par voie sous-cutanée. Le système CamAPS HX a permis d’augmenter d’environ 24 % le temps dans la cible (1 g à 1,8 g/L) par rapport à l’insuline en multi-injections, et ce sans augmenter le nombre d’épisodes hypoglycémiques, sévères ou non.
« On dispose de données concordantes indiquant la faisabilité et l’efficacité d’une insulinothérapie automatisée chez des personnes vivant avec un DT2. Une méta-analyse portant sur sept études randomisées a montré une amélioration moyenne de 24 % du temps dans la cible sans modification du temps en dessous des cibles diurne et nocturne », déclaraient les professeurs Éric Renard, Pierre Yves Benhamou et d’autres experts français au sujet de l’insulinothérapie automatisée en boucle fermée dans un article paru en juin 2024 dans la revue Médecine des Maladies Métaboliques.
Les résultats de l’essai multicentrique randomisé paru en mars 2025 dans le NEJM vont dans le même sens. Il en est de même pour ceux d’un autre essai multicentrique conduit dans 21 centres américains et publié dans le JAMA en février 2025. Celui-ci, non randomisé, a évalué sur une période de 13 semaines le système Omnipod 5 de la société Insulet Corporation sur 305 patients DT2 adultes. Une diminition significative de l’hmoglobine glyquée, de 8,2 % à 7,4 %, a été observée après 13 semaines d’utilisation de ce système de DAI, ce qui représente une réduction de 0,8 point. Le temps passé dans la cible (0,7 g à 1,8 g/L) est passé en moyenne de 45 % à 66 %.
Les auteurs français du rapport paru en juin 2024 dans Médecine des Maladies Métaboliques indiquaient que les études disponibles suggèrent que « les boucles fermées pourraient dans le futur intégrer l’arsenal thérapeutique du DT2 dans des situations spécifiques dont le cadre précis reste à définir ». Reste en effet à déterminer à quel moment, dans la prise en charge du DT2, la boucle fermée pourrait trouver sa place lorsque l’ajout de médicaments antidiabétiques à l’insulinothérapie conventionnelle ne parvient pas à obtenir un contrôle glycémique optimisé.
Marc Gozlan (Suivez-moi sur X, Facebook, LinkedIn, Mastodon, Bluesky)