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L'auteur

Marc GOZLAN

Je suis médecin de formation, journaliste par vocation. J’ai débuté ma carrière de journaliste médico-scientifique en agence de presse…  Lire la suite.

Un nouveau venu dans le diabète : le type 5, associé à la malnutrition

© International Diabetes Federation (IDF)

diabète de type 5

SOMMAIRE

Une forme de diabète, auparavant connue sous le nom de diabète lié à la malnutrition, a désormais reçu une reconnaissance officielle de la Fédération Internationale du Diabète (FID) sous l’appellation de « diabète de type 5 ». Cette décision a été adoptée le 8 avril 2025 par un vote formel lors du Congrès mondial du diabète qui s’est tenu à Bangkok (Thaïlande).

On estime que le diabète de type 5 touche entre 20 et 25 millions de personnes dans le monde, en particulier les pays d’Asie et d’Afrique à revenu faible ou intermédiaire. La reconnaissance par la FID constitue un progrès important dans la prise en compte d’une forme particulière de diabète qui affecte des adolescents et jeunes adultes maigres exposés à une sous-nutrition chronique.

Contrairement au diabète de type 1, qui résulte d’une destruction auto-immune des cellules bêta du pancréas, ou au diabète de type 2, caractérisé par une résistance à l’insuline, le diabète de type 5 résulte d’un développement pancréatique altéré, conséquence d’une dénutrition prolongée survenue durant des périodes critiques de croissance, comme l’enfance ou l’adolescence. Il se distingue donc cliniquement des deux formes majeures de diabète.

Le concept de diabète lié à la malnutrition (malnutrition-related diabetes mellitus) s’étend sur plus de six décennies d’observations et de recherches.

Tout commence en 1955 lorsque Hugh-Jones rapporte dans The Lancet avoir observé en Jamaïque une forme atypique de diabète qui ne correspond ni au type 1, ni au type 2. Au cours d’une étude menée pendant 18 mois, il examine 215 patients diabétiques et identifie 13 cas (environ 6 %) qui échappent à la classification habituelle. Ces patients sont jeunes et maigres (avec un faible indice de masse corporelle). Fait remarquable : aucun ne développait de cétose. Hugh-Jones en conclut que ce profil, baptisé « type J », pourrait représenter une étape dans l’évolution naturelle d’un diabète de type 2 mal contrôlé.

En 1965, Tripathy et Kar (Cuttack, État d’Odisha, Inde) ont été parmi les premiers à suggérer le rôle possible de la malnutrition dans la genèse de ce diabète dit « J-type ». Ce syndrome, associé à la pauvreté et à la malnutrition, a par la suite été désigné sous divers noms tels que « diabète tropical », « diabète pancréatique tropical » ou « diabète modulé par la malnutrition ». Des cas similaires ont été rapportés dans plusieurs pays en développement, notamment en Inde, au Bangladesh, au Nigeria, en Éthiopie, en Ouganda.

Il faudra attendre 1985 pour que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaisse formellement cette entité (malnutrition-related diabetes mellitus, MRDM) la classant comme un troisième type distinct aux côtés des diabètes de type 1 et 2. Cependant, cette reconnaissance est de courte durée, car elle sera retirée en 1999.

À l’époque, le comité d’experts de l’OMS justifie ce retrait par un manque de preuves solides démontrant que la malnutrition, ou la carence protéique, est une cause directe du diabète. Un écueil fréquent était d’associer un diabète à la malnutrition, sans savoir si la malnutrition provoque le diabète ou si un diabète mal contrôlé entraîne une perte de poids et une malnutrition apparente.

Toutefois, des travaux fondamentaux réalisés par Khardori et Bajaj (New Delhi, Inde) sur un modèle primate reproduisant la malnutrition protéino-énergétique humaine parviennent à montrer la survenue d’altérations endocriniennes et métaboliques significatives après six semaines. Leur modèle mathématique prédit que, dans ce type de diabète, c’est la fonction des cellules bêta pancréatiques qui est altérée, et non leur nombre, confirmant ainsi le mécanisme d’une insuffisance insulinique liée à la carence protéique (Protein Deficient Diabetes Mellitus, PDDM).

Plus récemment, une étude de 2022, dirigée par Meredith Hawkins de l’Albert Einstein College of Medicine (Bronx, New York) et menée auprès de patients à faible indice de masse corporelle (IMC) a confirmé l’existence d’un profil métabolique distinct de ceux des diabètes de types 1 et 2, marqué principalement par un défaut de sécrétion d’insuline plutôt que par une résistance à l’insuline. Publiée dans la revue Diabetes Care, cette étude, bien que limitée à un petit échantillon, corrobore les hypothèses de Khardori et Bajaj formulées 38 ans auparavant.

Le manque d’études rigoureuses a longtemps freiné la compréhension de cette pathologie. La plupart des recherches sont observationnelles, descriptives, portant sur de petits groupes sans critères diagnostiques standardisés, ni groupes témoins, et avec des techniques d’investigation limitées.

Aujourd’hui, un regain d’intérêt international conduit à la proposition de reconnaître officiellement cette forme de diabète comme « diabète de type 5 ». Ce changement a notamment été porté par Meredith Hawkins (New York), précédemment citée.

Cette spécialiste met en garde contre les risques graves d’une confusion diagnostique entre le diabète de type 5 (DT5) et le diabète de type 1 (DT1) : chez les patients DT5, l’administration d’insuline à fortes doses, comme cela se pratique habituellement dans le DT1, peut s’avérer dangereuse. Un traitement associant de faibles doses d’insuline à des antidiabétiques oraux serait plus adapté. Par ailleurs, une approche thérapeutique reposant sur un régime riche en protéines, pauvre en glucides, éventuellement associé à une supplémentation en micronutriments, semble être appropriée, même si des études complémentaires sont nécessaires pour définir des protocoles cliniques efficaces.

Alors que l’American Diabetes Association (ADA) classe actuellement le diabète en quatre grandes catégories : diabète de type 1 (DT1), diabète de type 2 (DT2), diabète gestationnel et diabète dû à des causes spécifiques incluant les formes monogéniques (mutation d’un gène) et secondaires à d’autres pathologies, le diabète lié à la malnutrition est resté jusqu’à présent classé de manière ambiguë.

On peut relever que l’American Diabetes Association ne reconnaît formellement ni un «  type 3 », ni un « type 4 » de diabète. Dans ce contexte, l’introduction d’un « type 5 » pourrait semer le trouble, en l’absence de critères diagnostiques rigoureusement établis au-delà des seules données anthropométriques telles que l’IMC. Plutôt que d’apporter de la clarté, cette nouvelle classification risque, pour l’instant, d’entretenir une certaine ambiguïté.

C’est précisément pour y remédier que, dans la foulée de cette reconnaissance officielle, la FID a mis en place un groupe de travail chargé d’élaborer des critères diagnostiques précis et des recommandations thérapeutiques. Il sera coprésidé par Meredith Hawkins (New York) et Nihal Thomas du Christian Medical College de Vellore (État du Tamil Nadu, Inde). La publication de ces lignes directrices est attendue d’ici deux ans.

Pour autant, des experts considèrent que la reconnaissance du « diabète de type 5 » par la Fédération Internationale du Diabète constitue une avancée majeure dans la mesure où elle met en lumière une pathologie longtemps négligée, touchant de manière disproportionnée des populations vulnérables et restée largement absente des ouvrages de référence et recommandations cliniques utilisées dans les pays occidentaux. En prenant en compte les besoins spécifiques des populations les plus affectées par la pauvreté et la dénutrition chronique, ces mêmes experts estiment que cette reconnaissance ouvre la voie à un diagnostic plus précis et à une prise en charge mieux adaptée. Selon eux, elle représente aussi un pas décisif vers une meilleure équité en santé, tout en encourageant la recherche dans un domaine sous-exploré.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur XFacebookLinkedInMastodonBluesky)

Pour en savoir plus...

Selim, Shahjada. Type 5 Diabetes Mellitus: Global Recognition of a Previously Overlooked Subtype. Bangladesh Journal of Endocrinology and Metabolism 4(2):p 59-60, May–Aug 2025. doi : 10.4103/bjem.bjem_13_25

Misra A, Joshi S, Mithal A. Malnutrition-related diabetes mellitus: Rushing toward “type 5” amid unresolved questions and limited evidence. Diabetes Metab Syndr. 2025 Jun 4;19(5):103250. doi: 10.1016/j.dsx.2025.103250

Khardori R, Bajaj JS, Deo MG, Bansal DD. Insulin secretion and carbohydrate metabolism in experimental protein malnutrition. J Endocrinol Invest. 1980 Jul-Sep;3(3):273-8. doi: 10.1007/BF03348275

Tripathy BB, Kar BC. Observations on Clinical Patterns of Diabetes Mellitus in India. Diabetes. 1965 Jul;14:404-12. doi: 10.2337/diab.14.7.404. PMID: 14318588.

Hugh-Jones P. Diabetes in Jamaica. Lancet. 1955 Oct 29;269(6896):891-7. doi: 10.1016/s0140-6736(55)92530-7. PMID: 13264638.

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