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Marc GOZLAN

Je suis médecin de formation, journaliste par vocation. J’ai débuté ma carrière de journaliste médico-scientifique en agence de presse…  Lire la suite.

Nouvelles recommandations sur la prise en charge de la maladie cardiovasculaire chez les patients diabétiques

©pixnio

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SOMMAIRE

La Société européenne de cardiologie (European Society of Cardiology, ESC) a présenté, lors de son congrès fin août 2023 à Amsterdam, les nouvelles recommandations concernant l’évaluation du risque cardiovasculaire des patients diabétiques et la prise en charge thérapeutique de la maladie cardiovasculaire dans le diabète.

Aujourd’hui, le traitement du diabète n’est plus seulement le traitement de la glycémie, c’est-à-dire qu’il ne se résume pas à atteindre les objectifs fixés sur le taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) afin de prévenir l’atteinte des petits vaisseaux (complications micro-angiopathiques). La protection cardiovasculaire et rénale s’avère également prioritaire chez les personnes à risque. Pour le dire encore plus clairement, les objectifs de la prise en charge thérapeutique ne sont plus uniquement centrés sur le contrôle glycémique, mais concernent également la prévention des maladies cardiovasculaires et rénales.

Tel est l’un des messages importants des nouvelles recommandations 2023 de l’ESC publiées en ligne le 18 septembre dans l’European Heart Journal. Celles-ci insistent sur un point essentiel, à savoir le dépistage des patients diabétiques présentant une maladie athéromateuse, une insuffisance cardiaque ou rénale.

Diminuer le risque cardiovasculaire est un enjeu majeur

Ce document de 98 pages met en effet le focus sur la prévention et le traitement de la maladie cardiovasculaire dans le diabète, dont le diagnostic repose sur une glycémie à jeun supérieure à 7 mmol/L (1,26 g/L) ou un taux d’HbA1c supérieur ou égal à 48 mmol/mol (≥ 6.5 %).

Les auteurs soulignent d’emblée que les personnes atteintes de diabète de type 2 (DT2) présentent un risque deux à quatre fois plus élevé de développer une maladie cardiovasculaire au cours de leur vie (maladie coronarienne, accident vasculaire cérébral, insuffisance cardiaque, fibrillation atriale, maladie artérielle périphérique). Et d’ajouter que, par ailleurs, « de nombreux patients atteints d’une maladie cardiovasculaire ont un DT2 non diagnostiqué », sans doute entre 25 et 40 %.

Ce rapport est le fruit d’un groupe de travail, co-dirigé par Nikolaus Marx (Aix-la-Chapelle, Allemagne) et Massimo Federici (Rome, Italie) et auquel ont participé de nombreux membres de la Task Force de l’ESC. Parce que la concomitance d’un diabète et d’une maladie cardiovasculaire a un impact majeur sur le pronostic, « il est de la plus haute importance de dépister un diabète chez les patients atteints de maladie cardiovasculaire et d’évaluer le risque cardiovasculaire chez les individus atteints de diabète ».

Dépistage primordial d’une atteinte sévère des organes cibles

Les recommandations de l’ESC insistent sur l’évaluation du risque cardiovasculaire chez les patients DT2, qui repose sur le dépistage d’une atteinte sévère des organes cibles et, tout particulièrement, l’atteinte rénale. Celle-ci est définie par le débit de filtration glomérulaire estimé (eGFR). Cet indice renseigne sur la fonction rénale.

Il convient de savoir que l’eGFR, exprimé en ml/min/1,73m2, représente le volume de sang (en millilitres) purifié chaque minute par les reins. Un eGFR supérieur à 90 ml/min/1,73m2 indique que la fonction rénale est normale. Des taux d’eGFR inférieurs à 15 sont observés chez les individus avec insuffisance rénale sévère.

Les recommandations précisent qu’il existe une atteinte sévère des organes cibles (sièges de complications, symptomatiques ou non, associées au diabète) quand l’eGFR est inférieur à 45 ml/min/1,73m2, quel que soit le taux d’albumine dans l’urine (albuminurie), ou quand la valeur de l’eGFR se situe entre 45 et 59 ml/min/1,73m2 avec un rapport albumine/créatinine urinaire (établi sur un échantillon d’urine et non le recueil des urines des 24 heures) compris entre 30 et 300 mg/g, ou encore quand ce rapport urinaire albumine/créatinine dépasse les 300 mg/g, ou enfin lorsqu’existe au moins une maladie microvasculaire dans au moins trois sites, à savoir une atteinte rénale, une neuropathie (atteinte des petits vaisseaux qui irriguent les fibres nerveuses) et une rétinopathie (atteinte de vaisseaux de la rétine de petit calibre).

Le cardiologue doit donc également s’attacher à dépister une atteinte rénale dans la mesure où la néphropathie diabétique peut entraîner une insuffisance rénale chronique (IRC). De fait, le dépistage de l’IRC chez les patients diabétiques est recommandé au moins une fois par an.

Introduction d’un score du risque cardiovasculaire à 10 ans

Chez les patients DT2 ne présentant pas une maladie cardiovasculaire par athérosclérose ou une atteinte sévère des organes cibles, il est par ailleurs recommandé d’estimer le risque cardiovasculaire à 10 ans grâce à un nouveau score, baptisé SCORE2-Diabetes, qui concerne les patients âgés de 40 ans et plus.

Ce score permet d’estimer pour un individu donné le risque sur 10 ans d’événements cardiovasculaires mortels et non mortels (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral). Il intègre des informations sur les facteurs de risque conventionnels (tabagisme, pression artérielle, cholestérol total et HDL-cholestérol) ainsi que des informations associées à la pathologie diabétique, en l’occurrence l’âge au moment du diagnostic de diabète, le taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) et le débit de filtration glomérulaire estimé (eGFR).

Une application (ESC CVD Risk Calculation App), qui intègre le score SCORE2-Diabetes, permet d’évaluer le risque de maladie cardiovasculaire. Elle est disponible en anglais sur le site Web de l’ESC.

SCORE2-Diabetes devrait servir de guide dans la prise en charge des patients DT2 sans maladie cardiovasculaire manifeste, ni atteinte sévère des organes cibles, dans la mesure où il prédit la survenue d’évènements cardio-vasculaires majeurs selon quatre strates de risque : faible (<  5%), modéré (5 % à <10 %), élevé (entre 10 % et 20%), très élevé (⩾ 20%).

Dépister un DT2 chez tous les patients présentant une pathologie cardiovasculaire

Si la prise en charge du DT2 repose sur la modification du mode de vie – changement des habitudes alimentaires, réduction du poids, lutte contre la sédentarité, arrêt du tabac, activité physique – la réduction du risque cardiovasculaire chez les patients diabétiques apparaît donc également importante. Un DT2 est en effet fréquent chez les patients souffrant de maladie cardiovasculaire par athérosclérose ou présentant un risque élevé de maladie cardiovasculaire.

L’inverse est aussi vrai : la maladie cardiovasculaire par athérosclérose est fréquente chez les patients vivant avec un DT2. Ceci explique, peut-on lire dans les recommandations de l’ESC, qu’il est essentiel de dépister un DT2 chez tous les patients présentant une pathologie cardiovasculaire.

Réduire le risque cardiovasculaire par le traitement hypoglycémiant

À cet égard, l’ESC souligne que l’on dispose désormais d’un grand nombre de données d’essais cliniques permettant d’éclairer l’utilisation préférentielle de certains médicaments hypoglycémiants pour réduire le risque cardiovasculaire, et ce indépendamment de la gestion de la glycémie. La mise à disposition de nouvelles classes thérapeutiques améliorant non seulement l’équilibre glycémique mais aussi la fonction rénale et la prévention cardiovasculaire a ainsi modifié en profondeur la prise en charge des patients diabétiques.

L’individualisation du traitement dépasse donc aujourd’hui l’objectif d’obtenir l’équilibre glycémique dans la mesure où il convient également de prendre en compte le niveau de risque cardiovasculaire et rénal.

Comme le font remarquer les auteurs, « au cours de la dernière décennie, les résultats de divers grands essais cardiovasculaires chez les patients diabétiques à risque cardiovasculaire élevé avec de nouveaux médicaments hypoglycémiants, tels que les inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose-2 (SGLT2) et les agonistes du récepteur du glucagon-like peptide-1 (GLP-1), mais également de nouveaux antagonistes non stéroïdiens des récepteurs minéralocorticoïdes, comme la finerénone, ont considérablement élargi les options thérapeutiques disponibles ».

Les recommandations fournissent des indications claires sur la manière de traiter les patients atteints de diabète et de manifestations cardiovasculaires et rénales. « Ainsi, chez les patients atteints de diabète et de maladie cardiovasculaire par athérosclérose, le traitement par les agonistes du récepteur du GLP1 (AR GLP-1) et/ou les inhibiteurs du SGLT2 est recommandé pour réduire le risque cardiovasculaire, indépendamment du contrôle de la glycémie et en complément du traitement standard (antiplaquettaire, antihypertenseur ou hypolipémiant) ».

Les experts estiment que les inhibiteurs du SGLT2, comme les agonistes du récepteur du GLP1, constituent un traitement hypoglycémiant privilégié pour les patients atteints de DT2 avec maladie cardiovasculaire athéromateuse, indépendamment des considérations de la glycémie et indépendamment de l’utilisation de la metformine.

Chez les patients DT2 à risque cardiovasculaire élevé, la metformine perd son statut de traitement traditionnel de première ligne

À propos de la metformine, la Task Force de l’ESC considère que « malgré sa longue histoire en tant que traitement de première ligne recommandé pour l’hyperglycémie chez les patients atteints de DT2, il n’y a pas eu d’essais randomisés dédiés à l’évaluation rigoureuse de la sécurité ou de l’efficacité de la metformine sur le plan cardiovasculaire », avant d’ajouter qu’ « aucun effet statistiquement significatif de la metformine n’a été observé en matière de pronostic cardiovasculaire ».

Compte tenu des résultats non concluants concernant les effets cardiovasculaires de ce médicament, « la metformine ne devrait pas être une condition préalable pour envisager un traitement par inhibiteur du SGLT2 ou par GLP-1 RA pour obtenir un bénéfice sur le plan cardiovasculaire », concluent les experts.

Un SGLT2 et/ou un AR GLP-1 peut être envisagé en prévention primaire pour réduire le risque cardiovasculaire

Concernant cette fois les patients DT2 ne présentant pas de maladie athéromateuse ou d’atteinte sévère des organes cibles, mais chez lesquels le risque cardiovasculaire évalué à 10 ans est égal ou supérieur à 10 % selon l’algorithme SCORE2-Diabetes, les experts estiment qu’un traitement par un inhibiteur du SGLT2 (iSGLT2) et/ou un agoniste du récepteur du GLP1 (AR GLP-1) peut être envisagé pour réduire le risque cardiovasculaire, indépendamment des considérations liées au contrôle de la glycémie.

En d’autres termes, un traitement par SGLT2 et/ou AR GLP-1 serait justifié, en prévention primaire, chez des patients diabétiques considérés à haut risque cardiovasculaire car ayant une probabilité dans les 10 ans de présenter un événement cardiovasculaire majeur supérieur ou égal à 20 %. Ces patients devraient ainsi bénéficier d’une prise en charge thérapeutique équivalente à celle d’un diabétique ayant déjà fait un événement cardiovasculaire et bénéficiant à ce titre d’une prévention secondaire.

Il importe de souligner qu’il s’agit là d’une recommandation basée sur un consensus au sein de la Task Force selon lequel un certain niveau de risque prédit de maladie cardiovasculaire serait équivalent à un risque sévère d’atteinte des organes cibles.

Concernant les patients diabétiques atteints de maladie rénale chronique, il est recommandé de les traiter avec un inhibiteur du SGLT2 et/ou de la finérénone (antagoniste non stéroïdien du récepteur des minéralocorticoïdes), étant donné que ces deux médicaments réduisent le risque de maladie cardiovasculaire et d’insuffisance rénale en plus du traitement standard.

Le diabète, facteur de risque important de l’insuffisance cardiaque

Le document de l’ESC met particulièrement l’accent sur la prise en charge de l’insuffisance cardiaque chez les patients diabétiques, « domaine qui a été sous-estimé pendant des années », estiment-ils.

Le risque d’insuffisance cardiaque est deux à quatre fois plus élevé chez les diabétiques que chez les non-diabétiques. Les patients atteints de DT2 développent une insuffisance cardiaque chronique plus souvent et plus tôt dans la vie que les personnes non atteintes de DT2. Par ailleurs, l’insuffisance cardiaque est souvent méconnue chez les personnes atteintes de DT2.

En 2017, une vaste étude européenne a révélé qu’environ 36 % des patients présentant une insuffisance cardiaque stable ont un diabète et que 50 % des patients hospitalisés pour une insuffisance cardiaque aiguë sont diabétiques.

Étant donné que le pronostic des patients présentant à la fois un diabète et une insuffisance cardiaque est plus mauvais, « il est de la plus haute importance de dépister l’insuffisance cardiaque chez tous les patients diabétiques » afin d’instaurer un traitement précoce.

Lorsqu’une insuffisance cardiaque est suspectée par un médecin non-cardiologue (généraliste ou diabétologue) au vu des symptômes (gêne respiratoire à l’effort, fatigue, entre autres) et signes cliniques (prise de poids, œdèmes périphériques, notamment), il est recommandé de doser dans le plasma sanguin le BNP/NT-proBNP, qui est un fragment du BNP (peptide natriurétique), substance produite par le cœur.

Au vu des données de grands essais cardiovasculaires, « il est recommandé de traiter les patients diabétiques ayant une insuffisance cardiaque chronique (indépendamment de la fraction d’éjection du ventricule gauche) avec des inhibiteurs de SGLT2 afin de réduire le nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque », concluent les experts de l’ESC.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur TwitterFacebookLinkedInMastodon)

Pour en savoir plus...

Marx N, Federici M, Schütt K, et al; ESC Scientific Document Group. 2023 ESC Guidelines for the management of cardiovascular disease in patients with diabetes. Eur Heart J. 2023 Aug 25:ehad192. doi: 10.1093/eurheartj/ehad192

Targher G, Dauriz M, Laroche C, et al; ESC-HFA HF Long-Term Registry investigators. In-hospital and 1-year mortality associated with diabetes in patients with acute heart failure: results from the ESC-HFA Heart Failure Long-Term Registry. Eur J Heart Fail. 2017 Jan;19(1):54-65. doi: 10.1002/ejhf.679

Dauriz M, Targher G, Laroche C, et al; ESC-HFA Heart Failure Long-Term Registry. Association Between Diabetes and 1-Year Adverse Clinical Outcomes in a Multinational Cohort of Ambulatory Patients With Chronic Heart Failure: Results From the ESC-HFA Heart Failure Long-Term Registry. Diabetes Care. 2017 May;40(5):671-678. doi: 10.2337/dc16-2016

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