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Marc GOZLAN

Je suis médecin de formation, journaliste par vocation. J’ai débuté ma carrière de journaliste médico-scientifique en agence de presse…  Lire la suite.

Grande-Bretagne : atteinte de diabète et d’une sévère résistance à l’insuline, elle devient la plus jeune patiente à bénéficier d’une transplantation de pancréas

NewYork-Presbyterian Hospital @YouTube

NewYork-Presbyterian Hospital @YouTube

SOMMAIRE

C’est l’histoire d’une jeune femme qui souffre d’un diabète de type 1 depuis le milieu de son enfance. Celui-ci était contrôlé pendant les deux premières années suivant le diagnostic. Par la suite, le contrôle glycémique s’est détérioré au fur et à mesure qu’elle a développé une résistance à l’insuline administrée par voie sous-cutanée. Cette jeune patiente a alors présenté à plusieurs reprises une acidocétose diabétique sévère et plusieurs épisodes hypoglycémiques avec perception altérée des symptômes de l’hypoglycémie. Durant son adolescence, elle avait été admise plus de deux cent fois à l’hôpital.

Au fur et à mesure de la dégradation du contrôle de son diabète, il est devenu impossible de traiter cette adolescente avec de l’insuline sous-cutanée. Son traitement a alors nécessité des injections d’insuline par voie intraveineuse (IV). Comme le relatent Garm Chi Ho et ses collègues londoniens du Guy’s and St Thomas’ NHS Foundation Trust dans un article publié le 23 juin 2023 dans la revue en ligne BMJ Case Reports, la patiente a reçu pendant 18 mois de l’insuline en IV via un cathéter veineux central, tandis que la glycémie était constamment surveillée durant les 24 heures, en particulier durant la nuit pour détecter une éventuelle hypoglycémie nocturne.

Administration d’insuline par voie intraveineuse pendant 18 mois

Durant cette période, la jeune patiente a présenté pas moins de 19 épisodes septicémiques en rapport avec une infection sur cathéter, ce qui a nécessité de multiples hospitalisations et rendu compliqué le fait de trouver une voie d’abord veineux pour poursuivre l’insulinothérapie IV. Il est alors décidé de transférer la patiente dans un centre de transplantation pancréatique à Londres, la transplantation de pancréas isolé apparaissant finalement comme une intervention à envisager.

En plus des complications liées à son diabète mal contrôlé, cette patiente a présenté de fréquentes convulsions non-épileptiques, considérées comme étant des troubles du mouvement. Ces épisodes convulsifs étaient aggravés par le stress ou par les épisodes hyperglycémiques, avec pour conséquence que la patiente soit encore plus dépendante de son fauteuil roulant. Par ailleurs, la jeune fille présentait une anxiété sévère.

Malgré les examens biologiques et radiologiques réalisés (IRM de l’abdomen, scintigraphie par émission de positons), les médecins ne sont pas parvenus à déterminer une cause organique à la résistance à l’insuline sous-cutanée présentée par leur patiente. Ils notent que la détresse émotionnelle entourant sa vie d’adolescente diabétique, associée au fait que son père diabétique de type 1 était décédé d’une hypoglycémie, a pu affecter sa réponse glycémique au stress. On rappelle que lors d’une situation de stress, le corps réagit en sécrétant des hormones de stress, qui ont pour effet de provoquer une augmentation de la glycémie afin de procurer au corps l’énergie nécessaire pour lui permettre d’agir physiquement sur l’événement à l’origine du stress. Chez les personnes diabétiques, en particulier chez celles dont le diabète est mal contrôlé, la hausse de la glycémie peut persister si l’insuline disponible est insuffisante ou absente.

Après concertation entre diabétologues spécialistes du diabète de l’enfant et de l’adulte, chirurgiens transplanteurs, néphrologues et psychiatres, il ressort que la transplantation de pancréas isolé représenterait une option permettant de sauver la vie de la patiente. Celle-ci a en effet présenté à plusieurs reprises des complications métaboliques sévères engageant le pronostic vital. Pour cette jeune femme, l’insuline par voie intraveineuse ne peut être un traitement à poursuivre sur le long terme dans la mesure où elle a déjà fait plusieurs septicémies et qu’il est à chaque fois difficile de trouver un abord veineux pour poser un cathéter. Enfin, le contrôle de son diabète ne cesse de se détériorer.

Les spécialistes londoniens soulignent, qu’à l’époque, les systèmes automatisés de délivrance d’insuline (dits en boucle fermée avec utilisation d’une pompe à insuline à perfusion sous-cutanée connectée à un capteur de mesure en continu de la glycémie) n’étaient pas disponibles. Ils ont certes un temps envisagé la possibilité de réaliser une transplantation d’îlots pancréatiques (greffe de cellules humaines de Langerhans productrices d’insuline provenant d’un pancréas prélevé sur un donneur décédé), mais n’ont pas retenu cette option, estimant que cette procédure aurait pu protéger leur patiente de la survenue d’hyperglycémies sévères mais ne l’aurait sans doute pas affranchie de tout traitement ultérieur par insuline.

La greffe pancréatique est rarement réalisée chez les jeunes patients diabétiques

Dans la majorité des cas, la transplantation de pancréas se fait conjointement à une greffe rénale. Il s’agit alors d’une transplantation combinée qui s’adresse aux patients diabétiques jeunes de type 1 (DT1) présentant une insuffisance rénale chronique (nécessitant une dialyse ou une greffe de rein dans les mois ou années qui suivent).  La transplantation de pancréas seul (greffe pancréatique isolée) est indiquée pour les patients DT1 sans insuffisance rénale et dont le diabète est instable malgré un traitement optimal (par injections d’insuline ou pompe à insuline) et une bonne observance thérapeutique.

Aux États-Unis, entre 1988 et 2022, seulement 74 transplantations de pancréas seul ont été réalisées chez des patients diabétiques de moins de 18 ans. En France, ces dix dernières années, la transplantation pancréatique ne concernait annuellement que 70 à 90 patients. Selon l’Agence de biomédecine, il s’agit dans plus de 80 % des cas d’une transplantation combinée rein-pancréas et dans 20 % des cas d’une transplantation de pancréas isolé. En 2021, sur les 67 greffes pancréatiques réalisées, 64 étaient des greffes combinées pancréas-rein (88%) et seulement 3 des greffes de pancréas isolé.

Il importe de savoir que le taux de perte de greffon après transplantation de pancréas isolé, du fait d’un rejet aigu ou chronique, est plus élevé chez les sujets jeunes que chez les patients plus âgés. La cause semble être multifactorielle (système immunitaire plus vigoureux, non-observance du traitement immunosuppresseur, métabolisme différent des médicaments selon l’âge).

En 2001, une étude américaine a rapporté dans les Annals of Surgery le devenir à long terme de six patients diabétiques âgés de moins de 18 ans ayant subi une greffe pancréatique, dont quatre avaient bénéficié d’une greffe de pancréas isolé. Chez trois de ces quatre patients, un échec de la transplantation a été observé dans un délai de 2 à 6 mois du fait de la survenue d’une pancréatite ou d’un rejet aigu.

Par ailleurs, en 2009, une équipe brésilienne a rapporté dans la revue Clinical Transplantation le cas d’un adolescent de 13 ans, diabétique depuis l’âge de 4 ans, qui a présenté une sévère réaction du greffon 13 mois après transplantation. Cette complication fut traitée avec succès en adaptant le traitement immunosuppresseur. Trente-huit mois après la greffe, la glycémie de cet enfant était toujours normale, sans qu’il y ait besoin d’avoir recours à des injections d’insuline.

Transplantation de pancréas isolé

Mais revenons à la jeune patiente diabétique devenue la plus jeune patiente à recevoir une transplantation de pancréas isolé au Royaume-Uni. Avant de bénéficier de ce type de greffe, la jeune femme a reçu les conseils d’une psychologue qui lui a expliqué l’importance de l’observance du traitement immunosuppresseur, et l’a informée du risque de développer une dépression post-greffe et d’un éventuel échec de la transplantation.

Avant la greffe, les diabétologues ont tenté de réduire la dépendance de leur patiente à l’insuline intraveineuse. Ils ont décidé de lui en administrer en injections intramusculaires pendant 9 mois, avant de recourir à une préparation insulinique nouvellement disponible par voie sous-cutanée (insuline dégludec), ce qui a permis de réduire la fréquence des épisodes hypoglycémiques.

Après être restée plus d’un an et demi sur la liste d’attente des receveurs d’organe, la jeune femme a pu être greffée. Les auteurs de ce cas clinique ne précisent pas son âge, sans doute pour mieux préserver son anonymat.

Le pancréas provenait d’un donneur décédé, âgé d’une vingtaine d’années. L’organe a été implanté dans la fosse iliaque droite (partie basse de l’abdomen, côté droit). Le greffon a immédiatement fonctionné. Le taux de glycémie s’est en effet rapidement stabilisé, ce qui a permis à la patiente de ne plus dépendre des perfusions et injections d’insuline.

Les suites opératoires ont été simples. La jeune femme est sortie de l’unité de transplantation sept jours plus tard avec un traitement immunosuppresseur (tacrolimus, mycophénolate mofétyl, prednisolone). Son taux d’hémoglobine glyquée (marqueur biologique renseignant sur le contrôle glycémique) est à 41 mmol/L sept semaines après la greffe, alors qu’il était à 84 mmol/L huit semaines avant l’intervention.

Après la transplantation de pancréas isolé, la patiente ne dépendait plus de l’administration d’insuline et n’a plus présenté de complications menaçant le pronostic vital. Sa qualité de vie s’est significativement améliorée. Elle a réussi des examens de psychologie dans le but de devenir psychologue pour enfants. Lors de compétitions sportives réservées en Grande-Bretagne aux receveurs d’organe, elle a même décroché l’or au tir à l’arc.

Revenue consulter à l’hôpital deux ans après sa transplantation de pancréas isolé, la jeune femme a déclaré à l’équipe soignante que sa vie avait totalement changé. « La transplantation du pancréas m’a non seulement sauvé la vie, mais m’a aussi donné l’occasion de recommencer à vivre. (…) Je suis éternellement reconnaissante à mon donneur, à sa famille et à tous ceux qui ont participé à mes soins médicaux et qui ont rendu cela possible », résumait-elle.   

Marc Gozlan (Suivez-moi sur TwitterFacebookLinkedInMastodon)

Pour en savoir plus...

Ho GC, Samuel SL, Haroon U, Drage M. Youngest pancreas transplantation alone in the UK for type 1 diabetes and severe subcutaneous insulin resistance. BMJ Case Rep. 2023 Jun 23;16(6):e255068. doi: 10.1136/bcr-2023-255068

Adamusiak AM, Ramanathan K, Moe T, et al. Effective treatment of diabetes, improved quality of life and accelerated cognitive development after pancreas transplantation in a child with type 1 diabetes and allergy to manufactured insulin preparations. Pediatr Transplant. 2023 Mar;27(2):e14447. doi: 10.1111/petr.14447

Brockmann, J.G. Pediatric Pancreas Transplantation. In: Shapiro, R., Sarwal, M.M., Raina, R., Sethi, S.K. (eds) Pediatric Solid Organ Transplantation. 2023. Springer, Singapore.

Boggi U, Baronti W, Amorese G, et al. Treating Type 1 Diabetes by Pancreas Transplant Alone: A Cohort Study on Actual Long-term (10 Years) Efficacy and Safety. Transplantation. 2022 Jan 1;106(1):147-157. doi: 10.1097/TP.0000000000003627

Holstein A, Wunsch A. Pancreas transplantation alone in a nonuremic woman with type 1 diabetes mellitus and total unawareness of hypoglycaemia. Diabetologie 2011; 6: 329-330 doi:10.1055/s-0031-1283751

Perosa M, Crescentini F, Antunes I, et al. Pancreas transplantation alone in children: a case report. Clin Transplant. 2009 Nov-Dec;23(6):964-7. doi: 10.1111/j.1399-0012.2009.01058.x

Sutherland DE, Gruessner RW, Dunn DL, et al. Lessons learned from more than 1,000 pancreas transplants at a single institution. Ann Surg. 2001 Apr;233(4):463-501. doi: 10.1097/00000658-200104000-00003

Sur le web :

Ciacio O, Pittau G, Sa Cunha A, Durrbach A. Double transplantation rein-pancréas. Le Courrier de la Transplantation. 2017 Jan-Fev;17(1): 26-29.

Transplantation combinée rein-pancréas ou pancréas seul (PDF, CHU de Montpellier)
Greffe pancréatique (Agence de biomédecine)

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