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Marc GOZLAN

Je suis médecin de formation, journaliste par vocation. J’ai débuté ma carrière de journaliste médico-scientifique en agence de presse…  Lire la suite.

Diabète : des stylos à insuline connectés pour les patients devant s’injecter de multiples doses quotidiennes

Stylo à insuline connecté. © Novo Nordisk

stylo insuline connecté

SOMMAIRE

À une époque où l’informatique, l’Internet, le cloud, le wifi et le Bluetooth, envahissent notre quotidien, voilà qu’un nouvel outil est récemment apparu sur le marché en diabétologie : le stylo à insuline connecté.

Destiné aux personnes diabétiques traitées par multi-injections quotidiennes d’insuline (MDI, Multiple Daily Injections), mais non désireuses de bénéficier d’une pompe, le stylo connecté vise à améliorer l’observance aux injections d’insuline des patients vivant avec un diabète du type 1 (DT1) ou de type 2 (DT2). Il importe en effet que ces patients s’injectent des doses optimales et qu’ils le fassent aux moments qui conviennent en tenant compte des mesures de glucose.

Ce nouvel objet connecté à Internet vient s’ajouter aux pompes à insuline, aux capteurs de mesure en continu du glucose (MCG) et aux boucles fermées hybrides (systèmes de délivrance automatisée de l’insuline)*.

Les systèmes d’insulinothérapie en boucle fermée constituent la modalité thérapeutique la plus efficace pour atteindre le contrôle glycémique. Cela dit, la majorité des patients diabétiques de type 1 ne bénéficient pas d’une pompe à insuline. En 2019, on estimait en France qu’environ 12 % des diabétiques utilisaient une pompe à insuline et que 88 % étaient traités chaque jour ou recevaient de multiples injections d’insuline quotidiennes.

Les utilisateurs de pompes à insuline (PAI) ont un avantage par rapport à ceux qui utilisent un stylo à insuline classique : ils ont accès à l’historique des doses d’insuline (quantité, horaires), ce qui leur permet de décider du dosage en étant plus informés. En revanche, les patients qui utilisent un stylo à insuline classique doivent, pour assurer le meilleur suivi possible, noter manuellement chaque injection, ce qui expose à des oublis et/ou des retards de doses sur le long terme.

La plupart des patients DT1 et environ un patient DT2 sur cinq sont insulino-traités. Chez ces patients, l’insulinothérapie en multi-injections quotidiennes (MDI) consiste en un schéma « basal-bolus », comprenant des injections d’insuline rapide (bolus) avant un repas pour couvrir le pic de glucose postprandial, et des injections d’insuline basale pour couvrir les besoins de fond en insuline.

Dans de nombreux pays dont la France, l’association d’un schéma MDI et d’une surveillance continue du glucose sanguin par l’intermédiaire d’un capteur du glucose interstitiel** représente le principal traitement du diabète de type 1.  Or, seul un quart des patients DT1 atteint l’objectif recommandé d’une hémoglobine glyquée (HbA1c) inférieure à 7 %. De même, en France, environ 68 % des patients diabétiques de type 2 et traités par multi-injections quotidiennes ont un taux d’HbA1c supérieur à 7 %. On rappelle qu’un diabète est considéré comme équilibré si le taux d’HbA1c est inférieur ou égal à 7%.

Agréger les données de façon fiable et exhaustive

Il existe donc un besoin d’un suivi digitalisé des doses d’insuline injectées, d’autant plus que des applications associées aux capteurs de glucose interstitiel ont vu le jour. Elles permettent à l’utilisateur de s’affranchir du traditionnel carnet glycémique.

L’arrivée dans le paysage diabétologique français de stylos injecteurs d’insuline connectés constitue une approche prometteuse pour améliorer la prise en charge des patients vivant avec un diabète de type 1 ou de type 2 et traités par multi-injections et qui refusent donc de recourir à une pompe à insuline. Les premiers prototypes de stylos injectés ont été développés à la fin des années 2010.

Les premiers stylos connectés sont disponibles en France depuis mars 2022, d’autres le seront prochainement. Ces modèles, connectés en Bluetooth ou NFC (Near Field Communication), sont réutilisables ou préremplis.

Selon les modèles, ces stylos ont pour fonction de mémoriser la dose, l’heure et la date de chaque injection délivrée, de transmettre automatiquement, en temps réel, toutes les données d’injection à une application mobile et les présenter dans des rapports intégrés avec les mesures du glucose interstitiel, et même de conseiller le patient lorsqu’une intelligence artificielle est hébergée par le smartphone du patient.

Certains stylos communiquent en NFC, ce qui oblige le patient à approcher le stylo à insuline de son smartphone. D’autres modèles fonctionnent via Bluetooth. Dans ce cas, la transmission des données collectées par le stylo se fait automatiquement,  en temps réel, sans aucune intervention du patient. Les données ainsi transmises parviennent ensuite à une plateforme, généralement hébergée sur le web.

Il existe des modèles rechargeables (réutilisables) et d’autres jetables (pré-remplis) qui, eux, sont équipés de capuchons connectés (caps), qui récupèrent les données d’injection. Ces capuchons, amarrés sur le bouton sélecteur de dose ou fixés sur le corps du stylo, enregistrent les données d’injection en dénombrant le nombre de « clics » du bouton sélecteur de dose. L’information est ensuite transmise via Bluetooth ou NFC.

Par ailleurs, on distingue schématiquement les stylos traceurs qui permettent de créer un journal de bord virtuel récapitulant les valeurs des concentrations de glucose obtenues à l’aide de la surveillance continue (MCG) et l’historique des doses injectées durant les derniers jours ou semaines, et les stylos intelligents qui peuvent conseiller le patient sur son traitement (calcul de dose de bolus ou de dose basale, prédiction des hypoglycémies).

Une aide potentielle à la gestion au quotidien de l’insulinothérapie

Les dispositifs reposant sur des stylos intelligents (smart pens) comprennent une application installée sur un smartphone ou un ordinateur portable qui agrège les données d’un système de contrôle glycémique continu (CGM) et celles des doses d’insuline provenant du stylo connecté. Plusieurs modèles existent ou seront prochainement mis sur le marché. Certains systèmes permettent également d’intégrer les données déclarées par le patient concernant la prise alimentaire et l’activité physique.

Selon les modèles, les applications d’intelligence artificielle peuvent conseiller l’utilisateur sur les doses d’insuline prandiale (pour le repas), lui recommander un « resucrage » pour éventuellement pallier le risque de faire une hypoglycémie (par exemple en cas d’activité sportive), ou lui proposer un ajustement hebdomadaire des doses d’insuline. L’application multifonction pourrait également signaler à l’utilisateur, par une alarme, qu’il a oublié de s’injecter un bolus ou qu’il présente un risque hypoglycémique. Elle peut également calculer la dose de bolus prandial ou la dose basale, voire proposer un correctif de dose.

On le voit, l’arrivée des stylos connectés intelligents ouvre des perspectives intéressantes en termes d’aide à la décision, autrement dit dans la gestion au quotidien de l’insulinothérapie.

L’épineuse question de l’interopérabilité des dispositifs

Selon les modèles, l’application d’intelligence artificielle embarquée dans le smartphone du patient est ou non interopérable. On comprend que le critère d’interopérabilité est un paramètre essentiel dans la mesure où il importe que les différents éléments composant ces systèmes soient capables de communiquer et donc que les données enregistrées puissent être transférées sur une plateforme informatique. L’interopérabilité des éléments composant l’ensemble d’un dispositif ne peut en revanche être assurée si, par exemple, le stylo injecteur et/ou l’application hébergée par le smartphone et/ou la plateforme de reporting utilisent des systèmes propriétaires différents. En d’autres termes, encore faut-il que les dispositifs de collecte automatique des données d’injection, comme celles de la mesure en contenu du glucose, et les plateformes d’hébergement de l’ensemble de ces données soient compatibles avec toute la gamme des stylos injecteurs.

Ceci est d’autant plus important qu’un utilisateur peut utiliser deux types d’insuline différents en bolus (insuline rapide et ultrarapide commercialisées par deux fabricants différents). L’étude STYLCONNECT a d’ailleurs montré que près de 60 % des patients DT1 et plus de 31 % des patients DT2 y voient là un problème majeur.

Il est à espérer que l’interopérabilité ne conditionnera pas le choix de l’insuline et du stylo et que le patient et le médecin prescripteur conserveront leur libre choix. Nul doute que les utilisateurs et soignants seront particulièrement vigilants sur ce point. En effet, on imagine mal qu’un patient soit obligé d’utiliser deux stylos connectés différents.

Les stylos connectés semblent améliorer les paramètres glycémiques

Plusieurs études, souvent menées en collaboration avec les fabricants de ces dispositifs, ont commencé à évaluer l’intérêt des stylos connectés et montré qu’ils pouvaient contribuer à obtenir une amélioration de l’observance aux injections. Elles ont également permis d’évaluer d’autres paramètres cliniques pertinents, tels que le temps passé dans la cible (TIR pour time in range, qui exprime le pourcentage de temps passé par une personne diabétique dans la plage glycémique cible) ou le temps sous la cible (TBR ou time below range, qui indique la durée passée en hypoglycémie), ou encore le temps passé au-dessus de la cible (TAR, time above range, qui renseigne sur l’hyperglycémie).

Grâce aux stylos connectés, il devient possible pour le médecin, lors de la consultation, d’accéder quasi instantanément à ces paramètres glycémiques (TIR, TBR, TAR) sous forme de tableau de bord et de suivre leur évolution durant la période souhaitée.

Ces études ont notamment mis en évidence une grande fréquence des injections oubliées et des injections réalisées avec retard au cours du diabète de type 1 et de type 2. Le stylo connecté permet en effet de dénombrer précisément et dater les écarts dans les injections d’insuline, ce qui peut à la fois être bénéfique pour le patient et utile à connaître pour le médecin. Globalement, ces bolus oubliés ou tardifs, qui ont tendance à être plus enregistrés dans les cohortes de patients jeunes que de patients âgés (plus observants), sont significativement associés à un moins bon contrôle glycémique ainsi qu’à une augmentation de l’HbA1c.

Il a également été montré que l’utilisation de stylos connectés pouvait contribuer à réduire significativement la fréquence des injections oubliées. De même, l’utilisation des stylos connectés a amélioré significativement le temps passé dans la cible (TIR) et réduit le temps sous la cible (TBR).

Alors que la plupart des études ont analysé l’effet de bolus manqués, une étude suédoise a cherché à analyser l’effet de l’oubli d’injections d’insuline basale sur le contrôle glycémique. Réalisée entre mai 2017 et avril 2019, cette étude en vie réelle a porté sur 32 patients DT1 utilisant un stylo connecté. Le nombre des injections manquées a été analysé sur des périodes de 14 jours. Il a été montré que chaque oubli était associé à une diminution du temps dans la cible (TIR) de 2,6 %. Deux injections manquées d’insuline basale sur une période de deux semaines correspondaient à une baisse du TIR de 5,3 %, une différence de 5 % étant considérée comme pertinente cliniquement. Les auteurs rapportent que la probabilité pour un patient moyen d’oublier de s’injecter une dose d’insuline basale sur une période de 14 jours est de 22 %.

Publiée dans le Journal of Diabetes Science and Technology en 2022, cette étude met en évidence que l’observance aux injections d’insuline basale reste un défi pour les patients DT1 même équipés d’un stylo connecté : l’observance n’atteint pas les 100 %. Elle souligne que les bénéfices attendus des stylos connectés sur l’observance et le contrôle glycémique ne passe pas uniquement par l’accès à cette technologie. Une éducation thérapeutique de qualité entre soignant et soigné, une amélioration de l’accompagnement et une prise en charge individualisée,  est également indispensable pour aider les patients à mieux gérer au quotidien leur insulinothérapie.

Une autre étude, pédiatrique en vie réelle, a déterminé l’effet de l’emploi d’un stylo connecté auprès de 39 enfants et adolescents qui utilisaient la mesure continue du glucose (MCG). Publiée dans Diabetes Therapy en 2022, cette étude suédoise prospective observationnelle a montré, après un an d’utilisation du stylo, une réduction significative des épisodes hypoglycémiques quotidiens (- 31,4 %) et une baisse significative de 6 % du temps en-dessous de la cible (TBR) de niveau 2. Ce paramètre glycémique, défini par une glycémie inférieure à 0,54 g/L pendant au moins 15 minutes, est passé de 2,82 au début de l’étude à 2,18 après un an. De même, le nombre moyen d’événements hypoglycémiques nocturnes a significativement diminué de 24,4 %. Il n’a pas été observé de changement statiquement significatif dans le nombre des hyperglycémies nocturnes quotidiennes, ni sur le temps dans, ou au-dessus, de la cible (TIR, TAR).

Très peu d’études randomisées d’évaluation des stylos connectés

À ce jour, peu d’études consacrées aux stylos connectés intelligents, revues par les pairs, ont été publiées dans la littérature médicale. On ne dispose aujourd’hui que de trois essais cliniques ouverts randomisés ayant évalué un capuchon connecté (deux conduits auprès de patients DT1, un autre uniquement publié à ce jour sous forme d’abstract et concernant des patients DT2).

Les autres publications concernent des études prospectives observationnelles évaluant des stylos, des capuchons connectés, une plateforme connectée, ainsi que des évaluations économiques. En outre, peu d’études ont évalué l’adhésion et le taux d’hypoglycémie chez les patients diabétiques utilisant des stylos connectés.

Une étude multicentrique randomisée espagnole, publiée dans Diabetes Care en janvier 2023, a évalué, sur une période de seulement quatre semaines et sur un petit effectif de patients ayant un diabète de type 1 non contrôlé, l’efficacité d’un capuchon connecté à une application sur le contrôle glycémique, l’observance du traitement et la satisfaction des utilisateurs. Tous les participants (26 dans le groupe actif, 29 dans le groupe masqué (non averti des doses oubliées et ne recevant pas d’alerte) étaient munis d’un capteur interstitiel mesurant le glucose en continu (CGM). Les auteurs ont rapporté une augmentation significative du temps dans la cible (TIR) de 5,2 % par rapport au groupe masqué. De même, le temps au-dessus de la cible (TAR) a significativement diminué de 5,5 % dans le groupe actif, alors qu’il a légèrement augmenté de 0,13 % dans le groupe contrôle. Le nombre d’injections effectuées a augmenté de 13,9 % entre le groupe actif, tandis qu’il a diminué de 8,3 % dans le groupe contrôle, ce qui représente une différence d’environ 21 % entre les deux groupes. Ces résultats encourageants doivent être confirmés sur un plus grand nombre de patients DT1 et sur une période plus longue.

Concernant les patients vivant avec un diabète de type 2 traités par insuline et antidiabétiques oraux, une étude américaine publiée en janvier 2023 dans le Journal of Diabetes Science and Technology, a montré que l’utilisation de stylos connectés pouvait améliorer l’équilibre métabolique. Les auteurs ont rapporté une amélioration significative de l’HbA1c de 0,26 % sur une période de 12 semaines.

Une étude qualitative française, conduite entre avril et mai 2021 et publiée en 2022 dans Diabetes Therapy, a montré que les patients DT2 sont a priori ceux qui déclarent le plus grand intérêt pour les stylos connectés. Les participants à cette étude ont été recrutés en ligne. Au total, l’étude a porté sur 1 798 patients évaluables, traités par mono-ou multi-injections quotidiennes d’insuline, dont 975 patients atteints d’un DT1 et 823 vivant avec un DT2.

Baptisée STYLCONNECT, cette étude indique que le principal attrait des stylos connectés est la facilitation du suivi du diabète. Globalement, les participants ont attribué la note de 7,4 sur 10 quant à l’intérêt qu’ils portent au stylo connecté. Cet intérêt était cependant significativement plus bas pour les patients DT1  (note de 7,2) que pour les patients DT2 (7,7). Les participants ont cependant attribué une note plus moyenne à l’avantage de limiter le temps à gérer leur diabète (6,7 sur 10) et encore plus basse sur l’intérêt de réduire le nombre d’injections oubliées (6 sur 10). C’est dire que tout n’est pas joué pour convaincre les patients insulino-traités d’utiliser cette technologie.

Pour autant, la possibilité de pouvoir intégrer sur une même application les données relatives aux injections et celles concernant les valeurs de la glycémie est l’un des principaux avantages perçus pour les participants (7,8 sur 10), de même que le déclenchement d’une alarme lorsque toute l’insuline dans le corps a été métabolisée (7,7 sur 10). Les participants considèrent également comme important que le dispositif connecté puisse être rechargé ou qu’il soit facile de remplacer les batteries (9,1 sur 10). Alors que l’on pouvait s’attendre à ce que les patients DT1 (plus jeunes) manifestent plus d’intérêt que les patients DT2 dans le stylo connecté, c’est l’inverse qui a paradoxalement été observé. Sur ce critère, les patients DT1 ont attribué une note de 7,2 sur 10 vs. 7,7 sur 10 pour les DT2. Alors que les patients DT1 étaient traités depuis plus de 21 ans dans cette étude, les patients DT2 étaient insulino-traités depuis 9 ans (l’insulinothérapie étant alors un traitement de dernier ressort dans le DT2 alors qu’elle constitue le traitement initial dans le DT1).

Une diabétologie connectée visant à améliorer l’équilibre glycémique

Les stylos connectés constituent donc un nouvel outil technologique dont on peut penser qu’il pourra contribuer à améliorer la prise en charge des patients atteints de diabète. Des essais cliniques, bien conçus et réalisés en vie réelle, sont néanmoins nécessaires pour confirmer les résultats encourageants.

Ces outils technologiques représentent cependant un défi pour la diabétologie, cette technologie devant être acceptée par les patients diabétiques traités par multi-injections quotidiennes mais aussi par les professionnels de santé (infirmière, médecin généraliste, spécialiste endocrinologue/diabétologue).

En effet, s’ils devaient être adoptés par un grand nombre de patients diabétiques insulino-traités et de diabétologues, ces dispositifs connectés et les quantités de données transmises pourraient grandement impacter le parcours de soins, en ce sens qu’ils pourraient favoriser les consultations de  télésuivi ou de télésurveillance, mais également faciliter l’autosuivi.

Surtout, ces systèmes connectés devraient modifier, en présentiel comme en distanciel, la relation patient-soignant, à l’hôpital comme en ville. Ils devraient par ailleurs favoriser un suivi continu avec les équipes soignantes.

Nécessité d’une information et d’un accompagnement de la part des soignants

Il est fort probable que la motivation des patients à utiliser des stylos à insuline connectés, comme l’adhésion à grande échelle de ces dispositifs, dépendront d’une information claire sur les bénéfices attendus de ces nouveaux outils technologiques. Ils devront avoir fait la preuve de leur facilité d’utilisation au quotidien, autrement dit de leur utilisabilité.

Enfin, les critères d’interopérabilité entre les dispositifs et d’interchangeabilité entre les différentes marques d’insuline devraient être déterminants dans le choix du patient. Sans oublier la question du coût de ces dispositifs et de leur remboursement. Les premiers stylos connectés ont été remboursés en France depuis fin mars 2022.

Faute de répondre aux multiples attentes des patients, le danger est grand que ce nouvel outil technologique soit délaissé, voire boudé, par eux, au moins dans un premier temps. D’autant que certaines études indiquent qu’une minorité de patients n’entendent pas, à ce jour, communiquer leurs données.

Une étude, publiée en 2023 dans la revue The Patient et conduite en ligne auprès de patients adultes diabétiques américains et britanniques, a montré que 9,6 % d’entre eux sont réticents sur l’utilisation de stylos à insuline connectés pour des raisons tenant à la protection des données médicales personnelles. Il s’avère également que les patients sont demandeurs de stylos ayant d’autres fonctionnalités (traçage de prises alimentaires, de l’activité physique) que celles qui  n’intègrent que les données de doses et de mesure du glucose sanguin. Ils sont enfin 16 % à être résolument opposés à l’utilisation des stylos connectés.

Pour tenter de lever cet obstacle, il conviendra de définir les cadres réglementaires encadrant la protection des données médicales personnelles transmises aux fins de télémédecine. En tout état de cause, les patients insulino-traités qui choisiront d’utiliser des stylos d’insuline connectés devront être obligatoirement soutenus et accompagnés afin de s’approprier cette technologie susceptible de les aider à mieux contrôler leur diabète.

Mais la technologie ne fait pas tout. Les données collectées et transmises n’ont de sens que si elles sont exploitées. Comme le soulignent Nicolas Naïditch de la Fédération Française des Diabétiques (Diabète LAB) et le Pr Jean-Pierre Riveline du département de diabétologie et d’endocrinologie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris) dans un article paru en mars 2023 dans la revue Médecine et Maladies Métaboliques, « pour que la diabétologie soit véritablement connectée et que les patients soient accompagnés, des ressources humaines sont également nécessaires. Or, dans bien des situations, ces ressources manquent et si les données sont bien transmises aux professionnels de santé, celles-ci restent sous-exploitées, voire inexploitées ».

Une chose est sûre : le développement des stylos à insuline connectés n’en est qu’à ses débuts. Il semble que ce nouvel outil technologique devra s’enrichir d’une fonctionnalité capitale avant de pouvoir occuper une place importante dans la prise en charge quotidienne, à savoir être doté d’algorithmes d’aide à la décision. Autrement dit, être véritablement performant dans la gestion de l’insulinothérapie, afin que le patient gagne en autonomie et soit allégé du fardeau de la maladie associé au traitement par insuline.

Marc GOZLAN (Suivez-moi sur Twitter, Facebook, LinkedIn, Mastodon

* La boucle fermée hybride est un outil qui repose sur plusieurs technologies. Il comprend une pompe à insuline qui délivre de l’insuline en continu, un capteur qui mesure la concentration de glucose en continu pour adapter le débit basal de la pompe à insuline et un algorithme d’intelligence artificielle dédié, installé dans la pompe ou dans un smartphone. La pompe à perfusion sous-cutanée continue d’insuline délivre un flux régulier d’insuline sous la peau tout au long de la journée et de la nuit. Ce système est conçu pour mesurer et ajuster automatiquement le taux basal (de fond) d’administration d’insuline. Il ajuste la délivrance d’insuline de façon semi-automatique en se basant sur les données du capteur et sur l’évolution estimée du taux de glucose. Il ne peut cependant gérer de manière totalement autonome les bolus à injecter lors des diverses prises alimentaires (repas et/ou encas) ou lors d’une activité physique. Le patient doit toujours compter les glucides dans l’alimentation et programmer des bolus (doses à action rapide) au moment des repas. L’intervention de l’utilisateur est donc nécessaire, raison pour laquelle cette technologie est dite « hybride ».

** La mesure du glucose en continu (CGM) permet de suivre les concentrations de glucose 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, à quelques minutes d’intervalle, grâce à un petit capteur fixé sur l’abdomen ou le bras. Celui-ci mesure la concentration de glucose interstitiel, c’est-à-dire celui contenu dans le liquide se trouvant entre les cellules.

Pour en savoir plus...

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